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Il est juste de dire, pour mieux expliquer ce rare esprit de conduite au milieu des tâtonnemens inévitables du régime naissant de la liberté, que Costa-Rica a eu la bonne fortune de rencontrer dès le début une série de chefs remarquables par leur intelligence et leur loyauté. Son premier gouverneur patriote, qui portait aussi le nom de don Juan Mora, élu au mois de septembre 1825, en vertu de la nouvelle constitution, réélu à l’unanimité au mois de mars 1829, quitta le pouvoir après huit ans de magistrature, laissant à ses successeurs l’exemple de la vie la plus pure, et à ses concitoyens une mémoire vénérée. Costa-Rica lui rendit alors le seul hommage qui fût à la hauteur de son intégrité : un décret de la législature ordonna que son portrait serait placé dans la salle des séances avec cette inscription, digne.des temps antiques : C’est par ses vertus que don Juan Mora a mérité de figurer dans cette enceinte ; ce n’est qu’en se rendant digne de lui que ses successeurs mériteront d’y figurer aussi. Costa-Rica n’était encore qu’un état dépendant de la fédération, et remplissait scrupuleusement tous les devoirs que lui imposait le pacte fédéral. Quand plus tard, après quinze ans de luttes intestines, l’union fut rompue, sa première préoccupation fut d’acquitter sa quote-part de la dette commune contractée par le gouvernement central envers quelques capitalistes anglais. Un premier arrangement avait eu lieu en 1840, par les soins de don Braulio Carillo ; en 1843, tout était payé, et ce petit état inconnu préludait ainsi par la probité aux relations commerciales qu’il devait ouvrir, grâce à sa production de café, avec l’Angleterre. Braulio Carillo, arrivé malheureusement au pouvoir par un soulèvement militaire, n’en fut pas moins un excellent administrateur. Son pays lui doit l’organisation du trésor public, la publication des codes et de grandes améliorations judiciaires et municipales. Toutefois l’homme qui a laissé la trace la plus profonde par ses créations de tout ordre et le rôle éclatant qu’il a fait jouer à Costa-Rica dans la guerre de l’invasion, c’est celui qui gouvernait la république depuis huit années au milieu de la paix intérieure la plus profonde, qui avait doté San-José du palais national, de l’université, d’un théâtre, d’un hôtel des monnaies, qui venait de faire réviser la législation civile et commerciale pour la mettre en harmonie avec les progrès du temps, et qui, après avoir débarrassé le Nicaragua des envahisseurs étrangers et sauvé la nationalité centro-américaine, allait bientôt signer à Rivas un suprême appel au génie de la civilisation.

Costa-Rica avait eu plusieurs constitutions. Elle s’était arrêtée à la forme la plus simple, au rouage le plus élémentaire, se fiant à la loyauté de ses représentans pour n’en pas fausser le mouvement. Le pouvoir législatif résidait dans un congrès élu de douze membres,