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Quelques jours auparavant, il trouvait aux souffrances qui le minaient rapidement une compensation bénie : c’est que ses yeux appréciaient encore le charme du coloris, et jouissaient pleinement de ces beautés dont ils s’étaient toujours nourris sans jamais s’en lasser. Son dernier enthousiasme, et non le moins vif, fut celui qu’il éprouva quand un ami déposa sur son lit de mort d’admirables photographies exécutées d’après les cartons de Raphaël.

Leslie était profondément religieux. Ce sentiment se retrouve dans beaucoup de ses lettres. Il était aussi profondément philosophe. Nature aimante et modérée, homme de conscience et de travail, il a eu le bonheur de vivre parmi des hommes dignes de lui, et à qui ses souvenirs n’ont consacré que des pages sans amertume. Il s’en excuse en quelque sorte dans une courte préface où il s’exprime en ces termes : « Mon but a été de perpétuer en ces pages quelques souvenirs de ceux que je pouvais louer, — et de noter en eux, non les défauts ou les faiblesses, commun apanage de l’humanité, mais les mérites, qui sont plus rares, et auxquels ils doivent exclusivement leur droit à être distingués du commun des hommes. »

Ces lignes caractéristiques nous ont toujours été présentes pendant que nous lisions l’ouvrage qu’elles précèdent. Peut-être s’apercevra-t-on de l’influence qu’elles ont exercée sur notre étude. Nous n’avons ni à nous en défendre, ni à nous en repentir. Autant nous répugne un vain panégyrique, autant il nous semble que tout respect, tout ménagement est dû aux hommes de bonne volonté, simples de cœur, probes artisans d’une modeste fortune, et qui nous lèguent, avec l’exemple d’un travail assidu, celui d’un talent poussé par ce travail à son développement complet, à son expression suprême.


E.-D. FORGUES.