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aux bords du Rhin, parmi les riches musées de la Belgique et de la Hollande, nous ne rencontrons guère aucun incident notable dans cette vie simple et patriarcale. Un des enfans de Leslie, son fils Robert, semblait devoir, sinon ajouter à la renommée paternelle, du moins la continuer, la prolonger. Il annonçait du goût pour la peinture, et avait manifesté un talent spécial pour la reproduction des scènes de la vie maritime. C’était pour son père un sujet de préoccupations joyeuses que l’événement a démenties, Robert ayant renoncé plus tard à sa profession.

Un autre homme que Leslie eût ambitionné l’anoblissement : il l’avait mérité par son talent et gagné par ses travaux de cour ; mais il était décidé à ne le point accepter, s’il lui était offert. Il l’annonce à sa sœur (1839), et ajoute aussitôt : « N’allez pas croire que, pareil au renard de la fable, je trouve trop verts les raisins auxquels je ne saurais atteindre ; au contraire, j’estime que les titres ont leur valeur, mais à la condition qu’ils soient accompagnés d’une richesse proportionnée à l’importance sociale. Avec notre humble manière de vivre, sir Charles et milady formeraient un contraste ridicule. Jusqu’à ce que les choses soient autrement arrangées et que je puisse avoir voiture (ce qui est, selon moi, indispensable à des gens titrés), je me contenterai fort bien de ce qui suffit à des hommes tels que Turner, Mulready et Chalon, les initiales R. A.[1], mises après leurs noms, sûrs de vivre. »

En 1847, Leslie écrivait à Washington Irving, resté son ami, pour lui annoncer qu’il allait traiter un sujet tiré de la Vie de Colomb[2]. Cette année-là aussi, il vint passer à Paris quelques jours du mois de septembre en compagnie de deux de ses filles, Harriet et Mary. Le 24 novembre, peu de semaines après son retour en Angleterre, il fut élu professeur de peinture à l’Académie. En 1848, il mentionne un dîner à Holland-House, auquel assistait un célèbre exilé, M. Guizot, dont il remarque « la physionomie sévère » et les nombreuses décorations. « La dernière fois que j’ai dîné chez lord Holland, ajoute-t-il sans y entendre malice et sans intention prophétique, Jérôme Bonaparte et son fils s’y trouvaient. Le fils ressemble beaucoup à Napoléon, et il a la conscience évidente de cette ressemblance. Il n’en est pas ainsi de Jérôme, qui ne ressemble point à Joseph, celui de tous qui avait le plus cet air de famille. S’il y avait maintenant un Bonaparte ayant les talens de Napoléon, il aurait quelque chance de réussir auprès des Français, mais… » La citation, ce nous semble, peut bien s’arrêter ici.

  1. Royal academician.
  2. Life of Colymbus, by Wash. Irving. — C’est l’entrevue de Christophe Colomb et de la reine de Portugal.