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Reynolds et Gainsborough, et non-seulement eux, mais tous les artistes éminens de son pays et de son époque. Beaucoup de ses opinions pouvaient donc s’étayer des autorités les plus respectables. Ajoutez à ceci qu’il causait admirablement, et qu’en toute chose il était superlativement aimable. »


Au mois d’avril suivant (1837), Leslie, à sa fenêtre, vit arriver le messager par lequel son ami Constable lui faisait passer de temps en temps quelque billet du matin, causerie amicale et badine. Cet homme arrivait porteur d’une triste nouvelle : Constable était mort dans la nuit, sans que rien, les jours précédens, eût fait prévoir une fin si prompte. « Ma femme et moi, dit Leslie, nous courûmes dans Charlotte-street aussitôt que cela nous fut possible. Je montai dans la chambre à coucher de mon pauvre ami, où il était étendu dans l’attitude du sommeil le plus paisible. Sa montre, obéissant encore à l’impulsion que ses mains lui avaient imprimée récemment, tiquetait à ses côtés sur une table. Sur cette table était aussi le livre qu’il lisait une heure avant d’expirer. C’était un volume de la Vie de Cowper, par Southey. Constable était, à cette heure suprême, comme dans tout le reste de sa vie, entouré d’objets qui lui rappelaient son art chéri, car les murs du petit entre-sol étaient tapissés de gravures, et ses pieds touchaient presque une reproduction du beau Clair de lune de Rubens, qui faisait partie de la collection Rogers. »

Leslie appréciait chez Constable et l’homme et l’artiste. Ce fut donc une œuvre à la fois d’amour et de devoir que cette biographie dont il voulut se charger, et à laquelle il consacra presque tous ses loisirs durant les cinq années suivantes[1]. M. Tom Taylor, juge très compétent d’une œuvre littéraire, proclame celle-ci un des « modèles du genre[2], » et il en attribue le mérite supérieur à l’affection avec laquelle l’auteur traitait son sujet. « Je ne connais pas un plus frappant exemple de bon goût, ajoute-t-il, que le rôle pris par Leslie dans l’accomplissement de sa tâche éditoriale, la modestie avec laquelle il se subordonne à l’artiste dont il veut mettre en relief les vertus et le talent, son zèle de recherches, l’art qu’il met à laisser Constable lui-même raconter sa propre histoire, dans une série de lettres judicieusement choisies et soigneusement rattachées l’une à l’autre par de brefs commentaires explicatifs. »

Ce ne fut point là le seul travail littéraire de Leslie. Appelé à professer la peinture aux élèves de l’Académie royale, il refondit ultérieurement ses Lectures, publiées alors sous le titre modeste de

  1. Voyez sa lettre du 27 avril 1840 Correspondance, p. 250. La Vie de Constable ne parut qu’en 1842. Nous en avons donné ailleurs une analyse assez étendue.
  2. Introduction à l’Autobiographie de Leslie.