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nombre en faveur d’une vérité religieuse, d’un fait historique ou d’une proposition générale a son prix et son poids dans la vie sociale, où il règle les intérêts moraux de l’individu, de la famille et de la société, mais n’a point de valeur absolue. Il n’est point infaillible en lui-même, puisque la raison ne l’est pas. » Voilà donc le doute de Lamennais étendu même au témoignage des hommes. Et ne croyez pas que l’auteur de la théorie craignît de l’appliquer directement aux faits du christianisme ! « Le dogme de la résurrection, disait M. l’abbé Bautain, est la clé de voûte de toute la doctrine chrétienne. Il faut croire ce dogme, ainsi que l’ascension du Christ au ciel, sur le seul témoignage apostolique, non, comme vous l’avez entendu dire, parce que les apôtres ne pouvaient être trompeurs ni trompés, ce qu’il est impossible de démontrer d’une manière absolue… Quant à la manière dont les théologiens rationalistes prétendent démontrer le fait de la résurrection, en sorte que les incrédules, comme ils le disent, soient forcés de l’admettre, je conçois qu’elle ne vous ait point satisfaits, car la proposition que les apôtres n’ont pu être trompeurs ni trompés appartient à l’enseignement de l’école et non à la doctrine chrétienne. La religion de Jésus-Christ fut déjà contestée, niée du temps des apôtres, qui, sans se mettre en peine de réfuter les contradicteurs, continuèrent à parler hautement et unanimement de Jésus crucifié et ressuscité des morts. » Ainsi, rien de plus clair, « la clé de voûte de la doctrine chrétienne » ne peut être posée ni reconnue par la raison ; l’histoire ne peut garantir le fait historique fondamental de telle sorte que « les incrédules soient forcés de l’admettre. » Tout cela, dit encore l’abbé Bautain, « n’a qu’une valeur relative et purement humaine, ne peut donner la foi ni communiquer à personne le droit et le pouvoir de l’imposer. » En d’autres termes, tout cela peut frapper l’imagination des hommes et les aider à croire, mais ne peut avoir, pour un esprit sérieux, aucun des caractères qui servent à manifester la vérité. Que faire donc ? Et comment arriverons-nous, malheureux que nous sommes, à la connaissance certaine de ces événemens ineffables sur lesquels toute foi repose et se développe en adoration et en œuvres ? La réponse est simple, aussi simple que celle de Lamennais quand il dit que l’autorité est un fait qui ne se prouve pas. Selon M. l’abbé Bautain, on arrive à la foi d’emblée, sur la parole des apôtres, sans même examiner si elle nous est bien parvenue, sans demander jusqu’à quel point elle peut être acceptée comme vraie. Il faut faire comme eux, parler hautement, « sans se mettre en peine des contradicteurs. » La vérité apparaîtra ensuite par les développemens mêmes qu’on lui donnera. Bien loin qu’il faille partir des principes communs de la raison et remonter péniblement la chaîne des preuves pour atteindre la parole sacrée, c’est celle-ci, prise tout d’abord comme connue et certaine,