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dans l’histoire des idées religieuses ; la suite n’est, sous ce rapport, qu’une cessation de mouvement, ou, si l’on veut, une chute après laquelle il ne compte plus, et nous n’avons point à nous en occuper.


II

C’est surtout, disions-nous tout à l’heure, dans le catholicisme, si soigneux de pénétrer toutes les puissances de l’âme, que la croyance, une fois enracinée, résiste le mieux à la première vision du doute, au moins quand l’éducation religieuse a été complète et pratique. C’est un fait dont, il est vrai, peu de gens sont en mesure de juger aujourd’hui, mais qui n’en est pas moins réel. C’est là surtout que l’âme encore vierge de l’enfant, saisie dans sa nudité native, est comme enveloppée de symboles dont le sens lui arrive graduellement par l’imagination, par les sentimens, par les idées naissantes, à mesure que la raison éclôt. Elle s’ouvre sans peine à ces notions rendues sensibles par leur forme poétique, elle les élabore et les absorbe avec une énergie proportionnelle à ses facultés. Souvent aussi à cette influence première il s’en ajoute d’autres plus extérieures, moins élevées, plus diverses. En religion étant un fait social autant qu’une possession individuelle, ayant une histoire, des révolutions, des partis, et se mêlant à toute la vie publique aussi bien qu’à toute la vie privée, il peut arriver que la solidarité des événemens, la persécution, la lutte, les souffrances, les ressentimens, certains intérêts enfin, exaltent le sentiment de l’union religieuse, l’associent à celle de la famille, et en fassent comme un héritage du sang. Si de plus le jeune homme est abrité contre le libre examen, s’il aime sa quiétude et prend son parti des discussions intellectuelles, s’il s’attache à une position ou est entraîné par le courant des affaires privées, il est à croire qu’il vivra et mourra paisiblement dans la foi que sa naissance lui a faite.

Il s’en faut cependant, au temps où nous vivons, qu’il en soit ainsi pour tout le monde. Il y a des situations que rien n’abrite plus contre les bruits du siècle ; il y a des professions ou des aptitudes particulièrement exposées par le devoir même à l’assaut des discussions philosophiques, qui sont, après tout, la vie même de l’esprit humain. Parmi les âmes qui sont le plus fortement établies dans la croyance, quelques-unes restent par nature toujours ouvertes à ce qui peut survenir de lumière nouvelle, et ne croiraient point licite de se fermer à rien de ce qui se présente comme un accroissement des vérités au profit de l’intelligence. De plus, l’âge, père du doute, l’expérience des erreurs commises, la contradiction des hommes et des choses, finissent par user chez plusieurs les persuasions reçues passivement.