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à Constantinople, Genséric en Afrique. La civilisation politique et matérielle est la proie des Barbares. Une suprême ressource reste à la civilisation morale, l’église et le secours de ces âmes divines qui seront le sel de la terre pendant les noirs siècles qui séparent la chute de l’empire de l’établissement féodal. Saint Séverin, le défenseur de la Norique, est le type de cette race d’hommes d’où vont sortir les Boniface, les Colomban, les Augustin et les Adalbert. Il faut lire dans M. Thierry l’histoire de ce saint personnage ; elle réconcilie avec la nature humaine et enseigne les ressources étonnantes que contient notre âme contre la barbarie et le mal.


EMILE MONTEGUT.


DU CARACTÈRE NOUVEAU DE LA GÉOGRAPHIE CONTEMPORAINE.
Géographie universelle de Malte-Brun, entièrement refondue et mise au courant de la science par Théophile Lavallée, 6 vol. grand in-8o jésus ; Paris, Furne, 1850-1860.

Lorsque les hommes des premiers âges abandonnaient les plateaux de la Haute-Asie pour se répandre par tous les chemins dans les diverses régions du monde, ils allaient décider à leur insu de l’avenir de leurs descendans par la situation des lieux qu’ils choisiraient pour s’y établir. Aux fils de ceux que le hasard des migrations jetait sur les bords de l’Océan, l’avenir promettait les grandes prospérités qu’apporte la mer. S’ils fixaient leurs vagabondages dans des régions compactes et mal découpées, la civilisation ne devait les éclairer que de reflets tardifs et pâles. D’autres, favorisés entre tous, furent emmenés par leur fortune dans des régions de vie et de clarté que leur position prédestinait à devenir le foyer des nations futures. C’est ainsi que, dans ses dernières convulsions, notre globe semble avoir marqué, par les formes qu’il imposait aux diverses régions, l’avenir de chacune d’elles, et cette géographie dessinée par la nature a préparé l’histoire. Voilà ce que l’expérience moderne nous a enseigné, et c’est une telle manière d’envisager la géographie qui lui donne l’attrait si puissant et si nouveau qu’elle nous fait ressentir. Nous savons aujourd’hui que ce vieux mot si longtemps synonyme de nomenclature aride, de statistique incertaine, d’énumération barbare a pris une signification plus élevée, qu’il peut se traduire par description intelligente de la terre, et qu’il nous livre enfin l’idée philosophique qu’il renfermait. C’est en effet l’étude du sol, considérée dans ses rapports avec le passé, qui souvent nous donne raison des phénomènes inexpliqués de l’histoire, et c’est elle encore envisagée dans ses relations avec les besoins croissans des hommes, avec leurs découvertes, avec les instrumens puissans dont leur activité disposé qui nous entr’ouvre des perspectives et nous permet d’essayer quelques conjectures raisonnables sur l’avenir.

Ce n’est qu’à la suite d’efforts lents et souvent interrompus que les études géographiques ont accompli ces progrès ; avant d’en arriver à dégager son essence philosophique, à laisser voir quelle influence elle exerce sur les sociétés, et comme elle se mêle aux intérêts humains, la géographie, pour retenir