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constituer une Allemagne unie et puissante. Les brochures les moins nombreuses épargnent l’Autriche, mais c’est toujours le même sentiment d’appréhension à notre égard, c’est toujours la crainte du péril extérieur qui les anime et qui porte les auteurs à demander la ferme union des deux grandes monarchies allemandes. Certes le désordre de ces publications, la dangereuse fermentation d’idées chimériques, violentes ou révolutionnaires qu’elles révèlent ou qu’elles entretiennent, ne peuvent pas plus échapper aux hommes qui gouvernent à Berlin et à Vienne que les autres dangers de la situation de l’Europe. On comprendra, après avoir traversé cette confusion des langues, que le prince de Prusse et l’empereur d’Autriche aient dû considérer comme un devoir de s’unir et de raffermir l’Allemagne par le témoignage de leur alliance resserrée. C’est sans doute un des plus importans objets de l’entrevue de Tœplitz. L’avenir dira si un accord sérieux et fécond s’est réellement formé entre les deux têtes de la confédération.

C’est en ce moment, où plus que jamais l’Europe aurait besoin d’entendre des paroles qui pussent dissiper ses craintes et d’être rassurée par des actes éclatans, que du côté de l’Angleterre nous sont venues les étranges déclarations dont lord Palmerston a cru devoir accompagner la présentation de la mesure relative aux fortifications du royaume-uni. Nous faisons la part des sollicitudes que doit éprouver un grand pays pour tout ce qui concerne les intérêts de sa sécurité et le soin de sa défense ; nous trouvons donc naturel que l’Angleterre ajoute à ses arsenaux et à ses ports militaires les fortifications qui lui paraissent nécessaires. Nous ne sommes pas surpris non plus que, le courant des politiques et des esprits ayant été porté par de hardis desseins et des événemens retentissans vers les entreprises extérieures, l’Angleterre se soit laissée entraîner à la manie militaire, qui était si éloignée de son caractère et de ses goûts, et, la base de sa puissance étant la marine, qu’elle ait armé une flotte de guerre assez formidable pour écarter toute pensée d’agression contre ses côtes. Nous irons plus loin : nous admettrons, et nous n’avons pas attendu les circonstances présentes pour le regretter, qu’il n’ait pas été toujours fait chez nous un cas suffisant des avantages de l’alliance anglaise, et qu’on n’ait pas assez tenu compte des nécessités attachées à cette alliance. Nous ne pouvons cependant nous empêcher de regarder comme faux et dérisoires les prétextes sur lesquels lord Palmerston s’est appuyé pour justifier quelques-unes des craintes alléguées au nom de l’Angleterre. Dénoncer nos armemens maritimes comme une menace contre l’indépendance du peuple anglais, c’est se jouer étrangement des faite les mieux établis, et prendre cruellement au mot les tristes forfanteries de quelques-unes des brochures qui ont été publiées en France. L’Angleterre est sur le point d’avoir soixante vaisseaux à vapeur de combat, et la France n’en aura quarante que dans sept ans. Il est maladroit de nous contraindre à porter notre attention sur un tel contraste. C’est bien nous, s’il ne fallait pas en finir avec ces récriminations qui aigrissent les deux peuples du