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arrêté ? Pour que cela fût possible, il faudrait que le gouvernement constitutionnel pût s’établir à Naples ; il faudrait qu’il y eût à Turin la volonté et le pouvoir de modérer et de contenir la révolution ; il faudrait du moins, si la volonté et la force n’étaient suffisantes ni à Naples ni à Turin, que la France et l’Angleterre s’unissant prêtassent le concours de leur puissance morale aux gouvernemens du nord et du sud de la péninsule pour les aider à se sauver et détourner les catastrophes qui les menacent : trois vœux, hélas ! qui en ce moment ne sont peut-être déjà plus que trois chimères.

Du côté de Naples d’abord, une chose est dès à présent certaine : c’est la scission du royaume des Deux-Siciles. On ne peut plus songer à maintenir en un seul état la Sicile et Naples. Les haines, les sentimens d’exécration et de vengeance qui animent les Siciliens dépassent la question dynastique : ce n’est pas par le roi seulement, c’est aussi par le royaume de Naples que la Sicile s’est sentie opprimée ; c’est l’annexion de la Sicile à Naples qui a été brisée par la révolution. Quoi qu’il puisse advenir de la Sicile ceux qui croient à l’utilité de la conservation du royaume de Naples feront bien d’en prendre leur parti, et de renoncer au maintien d’un royaume des Deux-Siciles. Quant à Naples, il est visible qu’au sortir du dur régime qui a précédé la crise actuelle, tout est demeuré engourdi. Il y existe assurément des partis, il y en a même deux dans la cause libérale : les partisans de l’annexion, les fusionisti, et les constitutionnels, qui veulent conserver l’autonomie avec l’alliance du Piémont, les partisans de la lega. Des deux, le plus faible est malheureusement le parti constitutionnel. Le caractère commun aux partis napolitains, c’est l’indécision, le défaut d’initiative ; ouverts aux plus mobiles impressions, ils sont enclins à les exagérer. Au lieu de décider eux-mêmes de leur sort, ils attendent tous du dehors l’arrêt de leur destinée. Les fusionistes, exagérant les difficultés de la lega avec le Piémont, grossissant les soupçons qu’ils nourrissent sur la loyauté du roi et les craintes qu’ils éprouvent à l’endroit des réactions militaires attendent qu’il ait plu à Garibaldi d’accorder l’armistice qu’on lui demande, ou de poursuivre sur la terre ferme sa campagne unitaire. Les constitutionnels, qui sont les moins portés aux amplifications, exagèrent pourtant les difficultés qui les entourent, afin de justifier la faiblesse de leurs résolutions. Que pourra le Plémont, se demandent-ils, et que permettra la France ? Il n’y a pas d’initiative propre à attendre des partis napolitains et de Naples même. Le ministère s’efforce d’assoupir les difficultés par des mesures en quelque sorte passives : il fait sortir de Naples, mais n’envoie qu’à une petite distance les mutins de la réaction militaire ; il éloigne les membres de l’ancienne camarilla, il se résout à l’évacuation de la Sicile, en attendant le dernier mot des négociations de Turin. Sans doute cette politique expectante et débile n’est point faite pour arrêter la démoralisation qui ravage l’état-major de l’armée : on dit que cette démoralisation agit principalement sur la marine, et que le refus qu’auraient fait les officiers de la flotte de