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tre illimitée : l’absolu n’a point de place dans le monde, surtout dans le monde social ; mais la liberté individuelle prime tout le reste, et les plus savantes combinaisons de la législation politique sont tenues de la ménager. C’est ce que doit l’œuvre des hommes à l’œuvre de Dieu.

Ce sont là de ces vérités qu’on ne peut établir et comprendre, si l’on ne s’est rendu compte du problème de la destinée humaine. L’étude philosophique de la jurisprudence doit s’élever jusque-là, et M. Renouard n’élude pas cette obligation. C’est en la remplissant qu’il parvient à fonder et à éclaircir les notions de la liberté et de l’égalité, et à poser les restrictions ou les complémens que l’une et l’autre reçoivent dans la vie sociale. Le fond de cette vie, sa règle essentielle, c’est la justice ; mais soumise avant tout à la justice, elle peut encore, elle doit même être animée par la charité. Le droit est seul nécessaire, mais l’amour vient par surcroît, et son rôle est grand dans le monde, pourvu qu’égaré par une sollicitude inquiète ou par l’orgueil de ses bienfaits, il ne devienne pas l’instrument de la tyrannie. Opprimer les hommes pour les sauver a été souvent l’erreur hypocrite des pouvoirs de ce monde, et de ceux-là mêmes qui se croyaient des pouvoirs spirituels. L’indépendance des personnes rencontre une restriction aussi dure, mais plus légitime dans la pénalité. C’est ici un sacrifice que la société est hautement en droit d’exiger, et en cherchant à le régler, on retrouve la question du travail, puisque le travail pénitentiaire est devenu la condition d’un bon système répressif. On voit comment l’idée première du livre qui nous occupe en ramène toujours l’auteur aux problèmes les plus pratiques de la science sociale. Nous en aurions de nouvelles et nombreuses preuves, si nous poussions jusqu’au bout notre analyse, si par exemple, après avoir étudié l’homme dans la société générale, nous le considérions dans ces sociétés particulières que les besoins du commerce et de l’industrie ont suscitées, et qui, en coalisant les lumières, les efforts et les capitaux, produisent de jour en jour des résultats si neufs et si merveilleux. Le passage des personnes aux choses ne nous offrirait pas de moins intéressans sujets d’études. Ce qu’on appelle en droit le domaine humain, ses différentes espèces, le domaine universel, approprié, privilégié, ramènent ces questions éternellement importantes, et qui le sont plus encore au temps où nous vivons, la possession, la propriété, l’échange, la donation, la succession. À tout cela, M. Renouard applique avec fermeté les maximes du philosophe et de l’économiste, et la science du droit civil, l’interprétation de nos lois écrites, la recherche de nos lois à écrire, tout s’éclaire, s’élève et se coordonne à la lumière d’un esprit familiarisé par la réflexion avec les principes, par