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es d’après la physionomie naturelle (et non comme dans les jardins botaniques), l’histoire de la description physique du monde, comment enfin l’idée du monde et de la connexion des phénomènes universels est devenue claire pour les peuples à travers le développement des siècles. Ces prolégomènes sont la chose principale et contiennent la partie générale de mon œuvre ; ensuite vient la partie spéciale, les détails distribués par ordre… Tous ces détails ne se prêtant pas à une exposition littéraire, comme les combinaisons générales de la science de la nature, il n’y aura là que des faits expliqués en peu de mots et coordonnés logiquement, à peu près comme dans une table des matières, si bien que sur tel sujet, les climats, par exemple, le magnétisme terrestre, etc., le lecteur studieux puisse trouver, condensés en quelques pages, tous les résultats dont l’acquisition lui eût coûté plusieurs années d’étude. L’unité de la forme, la concordance littéraire avec la partie générale du livre est maintenue à l’aide de petites introductions placées en tête de chaque chapitre spécial. Dans son Manuel d’Archéologie, qui est un modèle de style, Ottfried Müller a suivi très heureusement la même méthode.

« J’ai désiré, très honorable ami, que vous eussiez par moi-même une idée claire de l’entreprise. L’ensemble n’est pas ce qu’on nomme communément une description physique de la terre ; il comprend le ciel, la terre, toute la création. Il y a quinze ans, j’avais commencé à l’écrire en français, et je l’appelais alors Essai sur la physique du monde. En Allemagne, je voulais d’abord l’appeler le Livre de la nature, comme ces pages d’Albert le Grand que nous a léguées le moyen âge ; mais tout cela manque de précision. En prenant pour titre le mot de Cosmos, j’ai voulu obliger les gens à nommer le livre ainsi, pour éviter qu’on dise la Description physique de la terre, par Humboldt, ce qui rejetterait la chose dans la catégorie des ouvrages de Mittersacher. Le terme description du monde, comme on dit histoire du monde, serait une expression inusitée que l’on confondrait toujours avec description de la terre (Weltbeschreibung, Erdbeschreibung). Je sais bien que Cosmos est une expression recherchée, qui n’est pas exempte d’une certaine afféterie, mais ce titre, d’un seul mot, dit à la fois ciel et terre, et correspond à la Géa du professeur Zeune, un assez mauvais livre par parenthèse, et qui est, celui-là, une véritable Description de la terre.

« Maintenant, cher ami, une prière ! Je ne puis prendre sur moi d’expédier le commencement de mon manuscrit sans vous supplier d’y jeter le coup d’œil du critique. Vous avez un si grand talent d’écrivain, un style si riche, si gracieux, et avec cela tant d’esprit, tant d’indépendance, que vous ne rejetez jamais une forme de langage par cela seul qu’elle est marquée d’un caractère individuel et qu’elle s’écarte de la vôtre. Ayez donc l’extrême obligeance de lire le discours, et joignez-y une petite feuille sur laquelle vous écrirez sans donner vos motifs : au lieu de ceci, j’aimerais mieux cela ; mais ne me reprenez pas sans me corriger. Veuillez aussi me rassurer sur le titre.

« Les défauts principaux de mon style sont un malheureux penchant à employer des formes trop poétiques, une construction longue, embarrassée de participes, le désir de concentrer trop d’idées et de sentimens de toute espèce dans une seule période. Je crois que ces vices radicaux inhérens à ma nature sont atténués par une simplicité sévère, laquelle persiste toujours