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Dans le récit des dernières expéditions envoyées à la recherche de Franklin, on a signalé des traces de culture et d’habitation dans des lieux désolés d’où la vie semble à jamais proscrite, et où le sol a déjà disparu sous un épais manteau de neiges éternelles. Quand Houghby découvrit le Spitzberg au XVIe siècle, les traditions scandinaves faisaient mention de vastes terres désertes qui s’étendaient du Groenland à la Russie septentrionale. Lors du voyage du prince Napoléon dans les mers du Nord, il fut constaté que depuis plus de deux siècles le climat des régions arctiques a subi un abaissement considérable de température. Un tronc d’arbre trouvé dans une fouille faite au Groenland déposa de l’existence d’une végétation assez vigoureuse là où maintenant on ne voit plus ni arbre, ni arbuste. L’Islande devient de plus en plus inhabitable, tandis qu’au commencement du Xe siècle cette île était encore très peuplée ; les glaces ont actuellement chassé les habitans, surtout de la partie nord-est, et une banquise, que l’on sait ne pas avoir toujours existé, la sépare du Groenland. D’autre part, M. Adhémar produit des témoignages nombreux qui prouvent un envahissement opéré depuis deux siècles et plus par les glaciers en des localités et des passages des montagnes de la Suisse rendus aujourd’hui inaccessibles par les frimas. Un médecin français, M. Fuster, a écrit, il y a quinze ans, un ouvrage sur le climat de la France, dans lequel il prétend établir que la température de notre pays était beaucoup plus rigoureuse autrefois qu’elle ne l’est de nos jours, que cette température s’est graduellement réchauffée jusqu’au XIIe siècle, et que depuis cette époque elle se refroidit de nouveau. M. Adhémar s’arme de ces assertions, qui ont été, il est vrai, fortement contestées, pour appuyer sa thèse, et il fait surtout remarquer la curieuse coïncidence des dates.

À coup sûr, ce sont là des argumens spécieux ; mais ils ont besoin d’être contrôlés. Il faut dégager ce qui peut tenir à des causes locales du fait général que l’on veut établir. Tous les témoignages sont loin d’être concordans. Les recherches entreprises depuis peu sur les plus anciens dépôts de l’âge historique qui existent en Scandinavie prouvent au contraire que la température ne s’est pas modifiée. Les mollusques terrestres et fluviatiles mêlés aux amas de débris se rapportant à la plus ancienne présence de l’homme sur ce continent, et qui sont connus sous le nom de kjoekkenmoedding, ne présentent que les mêmes espèces actuellement existantes, et la succession des essences dont les troncs et les branches se retrouvent dans les marais tourbeux tient uniquement au dépouillement graduel du sol, aux modifications subies par le terreau. Les mammifères dont on découvre les ossemens dans les kjoekkenmoedding appartiennent