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finesse et de cohésion voulu. Tout semble uni et confondu sous la main de la fileuse, tout est divisé à l’excès dans la manufacture.

Quand la balle de coton arrive à la fabrique, elle ne contient qu’un coton emmêlé, sale, rempli de débris de toute sorte ; on commence par l’éplucher et le battre. Cette besogne se fait quelquefois à la main, le plus souvent à l’aide de machines qui ont reçu le nom de loups. Cette première opération s’appelle le louvetage. On livre successivement la matière ainsi préparée à deux machines, le batteur-éplucheur et le batteur-étaleur, qui recommencent à peu près le même travail et rendent le coton sous la forme de ouate. Les élémens de cette ouate sont floconneux ; ils ressemblent moins à des fils qu’à une sorte de duvet. Pour commencer à les étendre dans le sens de la longueur et imprimer aux fibres une direction parallèle, on a recours à la machine à carder. Cette opération donne au coton l’aspect d’un large ruban assez épais et n’offrant que peu de consistance ; on fait passer ce ruban par divers appareils mécaniques qui retirent sans le tordre, par le rota-frotteur, qui l’étire en le frottant, par le banc à broches, qui l’étire en le tordant, puis par une machine de doublage, qui réunit plusieurs rubans en un seul. Une nouvelle machine prend ces rubans tous ensemble et les presse, les condense, pour leur donner plus de corps sous un moindre volume : c’est une opération analogue au laminage des métaux, et qui porte en effet le même nom. Ce n’est qu’à la suite du laminage que le coton est disposé sur la mull-jenny ou machine à filer. On comprend que toutes ces machines, si différentes de formes et de noms, ne remplissent en réalité que deux fonctions : les unes épluchent et battent la matière textile, les autres l’étendent et la tordent. On dit que la mull-jenny est la fileuse, que c’est elle qui file le coton ; il serait plus juste de dire qu’elle achève de le filer, qu’elle termine l’étirage et la torsion. Au lieu de cette fournaise ardente, de cette machine à vapeur toujours haletante, de ces monstres de fer dont les dents mordent le coton, dont les cylindres le pressent, dont les broches le tordent, on avait autrefois deux appareils bien simples : une claie d’osier et une baguette pour le battage et l’épluchage, un rouet ou une quenouille pour tout le reste ; mais avec un bon métier et un garçon de quinze ans pour rattacheur, un ouvrier fait dans sa journée la besogne de quatre cents fileuses.

Il y a trois ateliers dans une filature : l’atelier de l’épluchage et du louvetage, l’atelier des préparations, comprenant la carderie, les étirages et le doublage, enfin l’atelier de la filature proprement dit. Le premier est le moins sain et le moins propre. Les machines y sont peu compliquées et en petit nombre ; mais la poussière et le duvet qui s’échappent du coton épaississent l’air, couvrent les vêtemens, entrent dans les poumons et causent souvent des maladies serieuses.