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avec son peuple. Le principe constitutionnel domine en Bavière comme dans tous les états secondaires, à l’exception du Hanovre et de la Hesse électorale, où ses développemens sont retardés par une réaction dont on exagère peut-être les effets, et qui en tout cas ne durera pas plus longtemps que les individualités qui se trouvent au pouvoir. Pour compléter le contraste et rendre justice à qui de droit, nous ajouterons que ce que les peuples du sud de l’Allemagne ont conquis à force de persévérance et de courage, la Prusse l’a obtenu un peu par hasard. La constitution de la Prusse date de dix ans ; mais sa vie constitutionnelle ne dure que depuis deux ans. Sans le coup d’apoplexie qui est venu frapper le roi, la Prusse se trouverait encore dans les mains du cabinet Manteuffel et du parti de la Kreuzzeitung, parti dont les organes occupent d’ailleurs toujours les principaux accès du pouvoir, prêts à le ressaisir, si par hasard le vent venait à tourner dans les régions où se font et se défont les cabinets. Ainsi, que le parti de Gotha soit plus modeste afin d’être plus juste ! Puisqu’il tient tant à l’unité, qu’il ne se montre pas si contraire à l’union ! Autrement, si la tentative de rapprochement commencée à Bade entre les souverains allemands venait à échouer, on dirait que c’est sa faute, et il faudrait ajourner l’espérance de voir les Allemands unis jusqu’au moment où la France recommencerait à leur faire peur.

La session actuelle du parlement anglais aura été marquée par la plus singulière évolution d’opinion qu’il soit possible de voir dans des assemblées politiques. Lorsque M. Gladstone présenta son budget et le traité de commerce avec la France dans ce discours magnifique qui a été si universellement admiré, le chancelier de l’échiquier parut être le héros et le maître de la situation. Le cabinet anglais n’avait assurément pas en ce moment de membre plus important, et le ministère sembla lui devoir même son existence. L’opposition eut l’air de reculer devant un tel ascendant, et M. Disraeli ne put entraîner qu’une portion de son parti à marquer son dissentiment avec la politique ministérielle. Aujourd’hui, à la fin de la session, le prestige de M. Gladstone s’est évanoui. Le chancelier de l’échiquier est devenu le membre le plus impopulaire du cabinet. Un vote de la chambre des lords, ratifié par l’opinion publique, a mutilé son budget en refusant l’abolition de la taxe sur le papier. M. Gladstone et le petit nombre de membres radicaux qui se groupent maintenant autour de lui ont essayé de soulever à cette occasion un conflit entre la chambre des lords et la chambre des communes sous prétexte que la première, en s’opposant à la suppression d’une taxe, s’arrogeait indirectement le droit de fixer un impôt qui appartient exclusivement à la chambre des communes. Il a échoué dans cette tentative devant une commission des communes nommée pour étudier la légalité constitutionnelle du procédé de la chambre des lords, devant ses propres collègues et devant la chambre des communes. Pour vider la question, lord Palmerston a en effet présenté à la chambre des communes une