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renversement contre les Bourbons de Naples uniquement parce qu’ils sont Bourbons. Nous n’avons pas de fanatisme dynastique, nous savons que la maison de Bourbon a eu des rejetons dégénérés, et que plusieurs de ces princes n’ont que trop travaillé à la décadence de leur race ; mais, Dieu merci ! tous les descendans vivans de ce brave, sensé et gai Gascon qui a fondé la maison royale de Bourbon ne démentent point l’esprit et le sang de leur aimable et glorieux ancêtre. La France en outre se rappelle que ces trônes encore occupés par des Bourbons sont comme des souvenirs vivans des anciennes grandeurs de son passé, et les peuples qui sont vraiment ses amis lui feront plaisir de ne pas remplacer sur ces trônes le nom de Bourbon par un autre nom dynastique tant qu’ils pourront concilier leurs intérêts nationaux et leurs droits avec le respect de notre histoire.

De si fortes raisons prescrivent la réserve aux meneurs officiels du mouvement italien à l’endroit de la nouvelle situation napolitaine, que nous espérons que l’épreuve des nouvelles institutions ne sera point troublée à Naples par des incitations piémontaises. Nous croyons que M. de Cavour promet cette réserve, mais en y mettant des conditions d’une raideur exagérée, qui lui sont peut-être imposées à lui-même par ses relations avec la révolution italienne. Cette réserve, suivant le gouvernement piémontais, sera absolue. S’il témoignait une confiance subite et peu justifiée dans les nouvelles dispositions de la cour de Naples, il se perdrait, dit-il, non-seulement aux yeux des Italiens, mais auprès de l’Angleterre et des amis de l’Italie en France. La dernière interpellation de sir Robert Peel et même la réponse de lord John Russell ne viennent guère à l’appui de cette crainte du Piémont ; quant à la France, le Piémont est libre sans doute d’y choisir ceux qu’il appelle ses amis, mais il court dans ce choix le danger de n’avoir pas la main heureuse. Jusqu’ici d’ailleurs il n’y a eu d’échangé entre Naples et Turin que quelques communications verbales. D’après ses instructions, M. de Villamarina a dit au roi des Deux-Siciles que l’alliance devait reposer sur une parfaite solidarité de politique, sur la pleine liberté laissée à la Sicile de fixer sa destinée, et sur des efforts énergiques du roi de Naples pour obtenir des réformes à Rome. Le Piémont entend d’ailleurs que l’alliance offensive et défensive contractée entre les deux gouvernemens serait en réalité dirigée contre l’Autriche. C’est sur ces bases que seraient conduites les négociations avec la mission napolitaine attendue à Turin. Le Piémont parait disposé au surplus à laisser se produire les symptômes par lesquels se révélera l’état politique du royaume de Naples ; il se dit décidé à ne pas se donner le tort de rien entraver, et se contentera de ne pas ôter toute espérance au grand parti national, c’est-à-dire au parti unitaire. Toute la question est de savoir s’il pourra se former à Naples un parti libéral et dynastique à la fois, un parti vraiment constitutionnel. Un tel parti ne peut se produire que si les classes moyennes du royaume de Naples sont mûres pour la vie politique. Dans tous les cas, c’est à Naples qu’est en ce moment le nœud de la politique