Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/499

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 juillet 1860.

Nous tous, hommes de rien, qui n’avons aucune influence sur la direction des affaires publiques, nous qui assistons au spectacle de la politique comme un parterre anonyme émaillé de claqueurs, nous, monades obscures, humble poussière du suffrage universel qui ne prenons la licence de juger les événemens qui se jouent sous nos yeux que parce que nous sommes bien obligés d’en rapporter les conséquences à nos infimes affaires et à nos vils intérêts, nous qui nous permettons tout au plus, dans nos rares audaces, de former au sujet des perspectives de la politique des vœux platoniques, comme don Juan faisait l’aumône, « pour l’amour de l’humanité, » — en nos attentes et en nos déceptions quotidiennes, nous sommes semblables aux amans de Pénélope : nous trouvons chaque matin dénouée la trame que, dans nos rêves bourgeois, nous avions crue terminées la veille. Que de fois n’avons-nous pas été assurés de toucher à la pacification générale et définitive ! que de fois n’avons-nous pas vu avec stupéfaction au réveil que tout était à recommencer ! Si nous nous livrons en ce moment à ces réflexions mélancoliques, nous avouerons ingénument que c’est par pure précaution oratoire. Il nous semble en effet, malgré les apparences, que nous allons commencer un nouveau songe calmant et dans la crainte qu’il ne soit brusquement et tôt interrompu, nous tempérons prudemment notre espérance présente par le souvenir opportun de nos récentes mésaventures.

Les apparences sont contraires, disons-nous, à nos châteaux en Espagne de passagère tranquillité. Les soucis politiques nous viennent de deux côtés, de l’Italie et de l’Orient. Qu’arrivera-t-il à Naples ? quelles seront les conséquences des déplorables troubles de la Syrie ? Certes il y a assez de fermens dans la question italienne pour embraser l’Europe ; il y a assez d’élémens de dissolution et de rivalités en Turquie pour produire un violent déchirement