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dans la cérémonie, soigneusement gardée dans le palais de l’inquisition, servit à perpétuer le souvenir de ce jour mémorable où la foi catholique remporta à Séville son dernier triomphe sur l’hérésie : c’était le 22 décembre de l’année 1560.

Avant de tirer le rideau sur ces horreurs, il faut ajouter un dernier trait au tableau. Au nombre des victimes de l’inquisition de Séville se trouvait, on l’a vu, une jeune fille, doña Mariade Bohorques. Vaincue par la douleur du tourment, elle eut un moment de faiblesse, et elle avoua qu’elle avait initié sa sœur, doña Juana de Bohorques, aux doctrines de la religion réformée. Doña Juana venait d’épouser don Francisco de Vargas, seigneur de Higuera, représentant d’une illustre maison de l’Andalousie. Quand elle fut arrêtée, elle était enceinte de quelques mois, cette circonstance fit qu’on la traita avec moins de rigueur. Son enfant, né dans la prison, lui fut enlevé au bout de huit jours : on laissa s’écouler une autre semaine, et aussitôt elle fut soumise au régime des autres prévenus. Enfermée dans une étroite cellule, on lui donna pour compagne une jeune fille qui périt plus tard dans les flammes. La jeune femme la consolait et lui prodiguait sur sa natte de roseaux tous les secours qui pouvaient calmer les douleurs produites par la torture. Bientôt doña Juana fut traînée à son tour dans la salle du tourment. Sans pitié pour sa jeunesse, les bourreaux torturèrent ses membres délicats avec une telle barbarie qu’on la rapporta mourante dans sa cellule, où elle reçut de sa compagne les soins affectueux qu’elle-même lui avait donnés ; mais la frêle créature n’avait pu résister aux rigueurs du tourment : elle succomba quelques jours après, et le bruit de sa mort se répandit dans la ville, quelques précautions que l’on eût prises pour l’étouffer. Les inquisiteurs craignirent les suites que pouvait entraîner un si triste événement, et ils déclarèrent, dans l’acte de foi, que doña Juana de Bohorques était morte en prison, mais que, son innocence ayant été reconnue après une exacte révision du procès, elle était réhabilitée dans sa réputation.


II

En définitive, la cause de la réforme en Espagne avait été vaillamment défendue contre l’inquisition. Trois hommes dont le désintéressement ne saurait être mis en doute, Egidius, Constantino et Vargas, avaient fait entendre à l’Espagne de nobles et sévères paroles. Ils agissaient de concert et se partageaient la tâche périlleuse de ramener leurs auditeurs à l’autorité de la conscience. « Prêchant la vertu et la sainteté, dit un contemporain, ils remontaient à la source vive, et le peuple de Séville, en cela le plus heureux de toute l’Espagne, entendit douze ans durant, et non sans fruit, l’Évangile