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Vencidos van los frailes,
Vencidos van,
Corridos van los lobos,
Corridos van,


qu’un vieil auteur français traduit ainsi :

Les cafards, le nez en terre,
Vaincus s’en vont,
Fuyant comme loups grand’erre
Quand chassez sont.

Le jour du supplice, quand il fut au milieu de ses coreligionnaires, dans la cour du saint-office, où les accusés venaient revêtir leur habit de cérémonie, un san benito et une tiare de papier (coroza), il ranima leur courage par cette courte harangue : « Allons, frères, ayez du cœur ; voici l’heure où, soldats de Dieu, nous devons combattre vaillamment et rendre témoignage à l’éternelle vérité. Bientôt chacun de nous, éprouvé à son tour, triomphera dans le ciel. » Un bâillon interrompit son discours. Sur le bûcher, un satellite de l’inquisition lui perça le cœur d’un coup de lance ; ainsi cet homme intrépide périt d’un double supplice, par le fer et par le feu.

Parmi les victimes des actes de Séville, nous rencontrons maintenant des moines même. Raimundo Gonzalez de Montès a raconté en grand détail la persécution des hiéronymites de San-Isidro. Ce couvent était devenu un des centres du protestantisme en Espagne. Dès l’année 1557, douze religieux en étaient sortis pour échapper à l’inquisition, Ils s’étaient donné rendez-vous à Genève, où ils se rencontrèrent en effet après avoir couru des risques sans nombre. Le prieur, le vicaire et l’économe de la communauté faisaient partie de cette colonie d’émigrans, à laquelle avait voulu se joindre le prieur de Valle-de-Ecija, autre monastère du même ordre. Lors de la grande persécution de 1559, six ou sept religieux de San-Isidro parvinrent encore à s’évader et allèrent rejoindre leurs frères de Genève. Quant à ceux qui n’eurent point le pouvoir ou la volonté de les suivre, ils furent pour la plupart jetés en prison, condamnés à subir des traitemens cruels et enfin le supplice du feu. Plusieurs années durant, il n’y eut point à Séville d’acte de foi où l’on ne vît figurer quelque religieux de ce monastère. Ainsi s’était glissée jusque dans les rangs de la milice pontificale la contagion de l’hérésie. Presque tous les ordres religieux qui étaient alors en Espagne furent atteints dans quelques-uns de leurs membres. Parmi les dominicains mêmes, la réforme trouva des adhérens. Entre tous se distinguèrent les hiéronymites, si chers à Charles-Quint. Le confesseur et le chapelain qui l’assistaient à ses derniers momens dans le couvent hiéronymite de Yuste étaient deux moines de l’ordre de Saint-Jérôme,