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ministre des affaires étrangères du Danemark, adressa, en date du 28 février 1857, à la cour de Stockholm, mais en même temps à celles de Londres, de Paris et de Pétersbourg (non pas à celles de Vienne et de Berlin, les pamphlétaires allemands rendaient ici cette démarche superflue), une dépêche circulaire destinée à détruire, s’il était possible, aussi bien dans la première de ces cours que dans les autres, l’effet de la double campagne que le scandinavisme avait faite pendant l’été et l’automne de 1856 à Stockholm et à Copenhague. M. de Scheele avait été pourtant l’objet d’attentions très particulières de la part du prince royal de Suède, qu’on avait vu lui remettre son propre ruban bleu de Séraphin, le même que cette altesse royale avait autrefois reçu du roi Charles-Jean, son grand-père. La dépêche danoise n’en répudiait pas moins les ménagemens et les délicatesses ; elle commençait par qualifier assez ironiquement, en termes généraux, les plans et les espérances du scandinavisme, et elle se permettait d’ajouter : « Nous avons tout lieu de croire que les vues du gouvernement danois à ce sujet sont entièrement partagées par le gouvernement de sa majesté le roi de Suède et de Norvège… Aussi l’idée Scandinave ne nous paraît-elle pas le moins du monde dangereuse, tant que l’intervention de quelque influence du dehors ne viendra pas lui donner l’intensité et la force intérieure qui lui manquent… Nous ne voulons pas examiner, ajoutait-on plus bas, si réellement la conduite observée par les gouvernemens du Nord a été, dans les récentes occasions, la mieux appropriée aux circonstances, et celle qu’on aurait dû préférer, s’il avait été possible de mesurer d’avance les proportions que prendrait l’agitation Scandinave. » À ces paroles aigres-douces, le cabinet de Stockholm, piqué, répondit qu’il aurait laissé passer inaperçue « cette pièce diplomatique, nullement motivée par un acte quelconque du gouvernement de sa majesté suédoise, et renfermant une longue dissertation sur une question réservée jusqu’ici au domaine de la discussion littéraire, » si ce document n’avait été livré à la publicité, « non sans dessein, » et n’était devenu « le sujet d’une polémique générale. » Et la seule réponse qu’on lui accordait consistait dans ces lignes fort sèches : « Le roi ne reconnaît à qui que ce soit le droit de jeter d’une manière officielle, dans une lettre adressée aux agens d’une puissance étrangère, un blâme direct ou indirect sur les actes de son gouvernement. » La pièce finissait malicieusement par l’expression renouvelée de l’intérêt que le roi de Suède et de Norvège portait à la nation danoise et de sa volonté de resserrer encore, s’il était possible, les liens qui l’unissaient… à sa majesté le roi de Danemark. Les agens suédois devaient donner lecture de cette circulaire aux chefs des cabinets étrangers « sans y ajouter aucune réflexion ultérieure. »