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la Russie. Tout le monde y trouvera son intérêt : la Suède et la Norvège pour leur politique extérieure, qui ne sera plus en désaccord avec leurs sentimens, et pour le développement et le jeu de leurs institutions à l’intérieur ; les nations occidentales et l’Europe pour l’utilité dont leur est infailliblement une Scandinavie forte et respectée ; la Russie en particulier, la Russie elle-même, que des tentations dangereuses ne détourneront plus de sa vraie carrière : les réformes intérieures et une intervention loyale dans l’extrême Orient. Bien plus, à l’œuvre décisive et personnelle du roi Oscar la mémoire de Bernadotte elle-même aura gagné. S’il y a du vrai dans le langage de ceux qui reprochent à Bernadotte d’avoir songé principalement aux intérêts de sa dynastie, on est obligé de reconnaître qu’à ces intérêts particuliers les intérêts généraux du pays qui l’avaient adoptée étaient bien intimement unis. S’il a pris pour sauvegarder la cause qui lui était confiée un mauvais expédient et qu’il se soit trompé de route, eh bien ! son fils, en rendant à son pays l’alliance occidentale, l’alliance française, a réparé cette faute aussi complètement qu’il était en son pouvoir. Le père a fondé la dynastie à laquelle se rattachaient les destinées nouvelles de la Suède et de la Norvège ; le fils a renoué la tradition d’une politique à laquelle se rattachent les plus glorieux souvenirs et les plus chères sympathies du nord scandinave.


II

Les rapports avec l’Allemagne ne sauraient être pour le cabinet de Stockholm de la même nature que ceux avec la France et l’Angleterre ou ceux avec la Russie. N’ayant plus la Poméranie et Rügen, qui, promises au Danemark en 1814, ont été bientôt après données à la Prusse, il n’est plus forcément engage dans les guerres du continent, et tout récemment la guerre dirigée contre les états italiens de l’empire d’Autriche n’a exigé de lui aucune résolution qui engageât ses intérêts ou son honneur. La Suède n’aura plus peut-être les occasions de montrer au monde un Gustave-Adolphe, mais elle n’aura pas sans doute à souffrir des fautes d’un nouveau Charles XII. L’Allemagne, par sa position géographique, est séparée d’elle, et les deux pays peuvent n’avoir de rapports directs que ceux qui intéressent la civilisation générale, l’industrie, le commerce et la littérature. Indirectement toutefois leurs relations peuvent devenir hostiles, tant que l’Allemagne n’aura pas renoncé à ses projets d’envahissemens contre le Danemark, tant que la cour de Suède croira de son devoir et de son intérêt de ne déserter nulle part la cause du scandinavisme.