Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/405

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sera-t-il pas hors de propos de dire brièvement en quoi consistent les différentes opérations qu’on leur fait subir. Le principe même de cette vinification particulière consiste à retenir dans chaque bouteille, pendant les derniers temps de la fermentation, une quantité de gaz acide carbonique représentant à peu près un cinquième de la quantité totale de ce gaz qui s’est produite durant tout le cours de la vinification. La pression exercée par le gaz avec le secours du bouchon est quadruple de celle de l’air atmosphérique, et elle doit pouvoir maintenir quatre fois le volume de la bouteille, c’est-à-dire quatre fois 8 décilitres, volume qu’occuperait le gaz, s’il était libre, et qu’il occupe si vivement en effet, en produisant une explosion plus ou moins forte, dès que, coupant les ligatures, on laisse sauter le bouchon[1]. Une des principales difficultés du problème tient à ce que ce grand volume de gaz, réduit des quatre cinquièmes par la pression, ne se peut produire dans la bouteille que sous la condition de la préexistence ou du développement d’une quantité de ferment naturel suffisante pour troubler le liquide. La production simultanée d’un vin limpide et du gaz qui le rend mousseux serait chose impossible. On résout le problème en coupant le nœud gordien, faute de pouvoir le délier, grâce à l’adresse extrême des ouvriers dégorgeurs, qui peu à peu rassemblent le dépôt de ferment sur la face inférieure du bouchon en tenant la bouteille graduellement et assez longtemps renversée sur des étagères ; puis, au moment opportun, prenant une à une chaque bouteille renversée, et retirant à peine d’un millimètre le bouchon au dehors, ils laissent se produire un jet rapide d’une petite quantité de vin qui suffit pour expulser le ferment ainsi accumulé sur une étroite surface. Le bouchon est aussitôt enfoncé vivement, afin d’éviter une perte plus forte du liquide. Quant à la dose de sucre qui doit donner au vin mousseux sa douce saveur, on la peut régler à volonté, car elle dépend de la quantité, introduite dans chaque bouteille, d’un sirop préparé avec volumes égaux de vin et de solution saturée de sucre[2].

Tels sont les principaux moyens de développer la production des bons vins dans nos vignobles ; nous n’avons rien dit cependant d’une grave question posée à grand bruit par Chaplal, ranimée récemment avec quelques variantes. Chaptal avait assuré que l’on pouvait améliorer les moûts faibles des raisins incomplètement mûrs par l’addition

  1. Lorsque le vin, au moment de la mise en bouteilles, ne contient pas la dose suffisante de glucose échappée à la fermentation, ce qu’on reconnaît par un essai d’évaporation jusqu’au sixième de son volume et par la vérification du degré aréométrique, on y fait dissoudre une dose convenable de sucre de canne candi de nuance très légèrement ambrée.
  2. Il faut 620 grammes de sucre pour préparer un litre de ce sirop vineux.