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cipitent au fond des cuves ; on peut aisément obtenir des vins d’une limpidité parfaite et d’une belle teinte rouge vineuse. Il vaudrait mieux pourtant prendre plus de peine et arriver par une autre voie au principal résultat désiré, car voici ce que produit en définitive cette défectueuse méthode. Le plâtre ou sulfate de chaux se dissout dans le liquide en assez grandes proportions (3 ou 4 kilogrammes pour 1,000 litres). Une partie, réagissant sur le bitartrate de potasse, se transforme entièrement en sulfate de potasse, de telle sorte qu’au lieu d’un sel acidulé rafraîchissant, de saveur agréable, il ne reste dans le vin, après cette réaction, outre du sulfate et du tartrate de chaux, qu’un sel factice, le sulfate de potasse, amer et purgatif, auquel les médecins ont même renoncé dans leur pratique habituelle, parce que son action purgative n’était pas sans inconvénient : on lui préfère d’autres purgatifs plus doux, le sel d’Epsom (sulfate de magnésie) par exemple.

Bien certainement un vin qui ne contient presque plus de tartre naturel et qui renferme en quantités considérables du sulfate de potasse amer et purgatif, sans compter parfois l’excès du sulfate de chaux que l’on considère à juste titre comme insalubre dans les eaux potables, ne saurait être assimilé aux vins naturels qui en Bourgogne, en Champagne, dans le Bordelais et chez quelques viticulteurs progressifs du midi, sont exempts d’un pareil mélange[1]. Dans plusieurs enquêtes sur ce point, tout en faisant valoir les résultats avantageux du plâtrage, qui facilite la clarification des vins et en assure la conservation même durant les voyages, on ajoutait que jamais chez les propriétaires qui ont adopté cette méthode on n’avait remarqué une influence défavorable au point de vue hygiénique. En outre les marchands expéditeurs de ces vins, loin de se plaindre de l’application du plâtre dans les cuves, exigeaient que les vins dont ils devaient prendre livraison eussent été plâtrés. Tout ceci était et se trouve encore parfaitement exact, mais ce n’est qu’une face de la question. Des améliorations ont été projetées, réalisées même avec succès. Si les propriétaires de vignobles dans le raidi ne se plaignent pas de l’insalubrité des vins plâtrés, c’est qu’en général ils n’en font point usage, puisqu’ils les réservent pour l’exportation, se conformant ainsi au désir des expéditeurs[2]. Quant

  1. On a essayé l’année dernière avec succès, paraît-il, de substituer au plâtre, dans les cuvées, le sel marin, doué également de vertus antiseptiques et exempt des propriétés insalubres des sulfates de chaux et de potasse ; mais on ne saurait avoir la certitude que cette addition fût elle-même d’une parfaite innocuité. Le vin clarifié de la sorte ne serait plus en tout cas le délicieux et irréprochable breuvage assimilable aux grands crus de France.
  2. Ce fait, signalé à l’attention de la Société centrale d’agriculture de France et au conseil d’hygiène et de salubrité du département de la Seine, est en outre consigné dans le bel ouvrage publié par M. V. Rendu.