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la plantation depuis les premiers jours d’avril jusqu’à la fin de mai et même au-delà. M. Guyot a établi suivant ce procédé des pépinières contenant plus de deux millions de boutures qui ont produit des plants d’une rare beauté. C’est évidemment un des meilleurs moyens de suppléer au provignage et de réaliser à peu de frais l’extension des meilleurs cépages soit en France, soit dans notre grande colonie algérienne, soit même en Corse[1].

Pour rendre le plus profitable possible l’extension de la vigne dans toutes nos régions qui offrent des circonstances naturelles favorables, il est certaines garanties inconnues aux époques anciennes de la viticulture, mais qui lui sont offertes de nos jours. Contre les fléaux accidentels, rien ne semble préférable au système des assurances : on a ainsi la certitude d’éviter à jamais la ruine de quelques cultivateurs sans imposer de notables sacrifices à l’ensemble des vignerons assurés. Il était plus difficile de se garantir des désastres périodiques, tels que les gelées printanières ou automnales, les pluies trop persistantes, etc. Contre ces causes générales, les assurances sont impuissantes, car le taux en serait trop élevé. Heureusement des procédés nouveaux, garantis déjà par de suffisantes épreuves, peuvent préserver les vignobles à fins cépages des terribles chances dont ils sont tous les ans menacés : ce sont des abris analogues à ceux qui assurent constamment les treilles et contre-espaliers de Thomery et de Fontainebleau contre les intempéries des saisons. De minces planchettes sont en Alsace inclinées au-dessus des ceps de vigne. Des abris moins dispendieux ont été construits mécaniquement et employés avec succès par M. J. Guyot sur de grandes surfaces de vignes. Ce sont d’étroites bandes de paillassons qui se déroulent comme de légères toitures au-dessus des cordons de vignes. Ce genre d’abri exige, il est vrai, que les ceps alignés soient palissés sur des fils de fer ou de longues lattes transversales ; mais il faut remarquer que ce mode de palissage, conseillé par André Michaux

  1. Par suite d’une fâcheuse négligence dans le choix des cépages, la culture des vignobles et la fabrication du vin, la Corso ne fournit en général que des vins peu estimés, ne se conservant pas mieux que les produits similaires de l’Algérie, de la Toscane et de plusieurs régions de l’Italie. Quelques vignobles cependant, entretenus dans des conditions meilleures, restent comme les indices de ce que la France pourrait obtenir de cette lie, remarquable déjà par tant d’autres productions, ses fruits, ses bois, ses marbres, ses houilles, ses mines de fer, etc. Au premier rang des vins de la Corse, et comme le meilleur de tous, on cite le vin de Tallano, d’un vignoble auprès de Sartène. Plusieurs autres crus se font remarquer aux environs de Bastia, d’Ajaccio, de Calvi et de Corte. Le commerce tire encore de cette lie quelques bons vins analogues au madère et aux vins de liqueur, notamment le malaga et le muscat du Cap-Corse.