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rond, végétant avec vigueur dans les sols fertiles, offre dans sa jeunesse de longs et très gros sarmens. Ses feuilles à limbes épais sont larges, lisses, luisantes et de couleur vert jaunâtre à leur face supérieure, cotonneuses en dessous, peu découpées, supportées par un robuste pétiole de nuance sensiblement violette ; ses grappes nombreuses et grosses portent des grains violet noir, oblongs, remplis d’un jus aqueux, produisant un vin dur, plat, peu agréable, surtout lorsqu’une maladie à laquelle il est sujet, la brouissure, rend les fruits rougeâtres et acides. Sa seule qualité est de produire d’énormes récoltes, principalement dans une terre riche ; il s’épuise en peu d’années, en raison même de sa production surabondante, et peut compromettre la conservation comme la qualité des vins avec lesquels on l’a mélangé.

Plusieurs variétés de gamay bien préférables à celle que nous venons de décrire s’en distinguent par des sarmens moins gros, des feuilles moins larges, plus vertes en dessus, moins cotonneuses en dessous, des grappes moins volumineuses portant des grains plus petits et plus sucrés. On peut citer parmi elles un ancien cépage, le petit gamay[1], qui garnit presque exclusivement, au nord de Lyon, les vignobles d’où l’on tire les bons vins d’ordinaire, dits de Beaujolais. Le gamay le plus recherché des viticulteurs depuis cinquante ans est connu sous les noms de Nicolas du Beaujolais et de lyonnaise du Jonchay. Le gamay de Malain, du nom d’un bourg de la Bourgogne, analogue au précédent, paraît avoir remplacé dans la Côte-d’Or le gros et détestable gamay. Toutefois la réputation du nouveau cépage tient surtout à la grande abondance de ses produits, car les vignobles parmi lesquels il a été introduit ne sont pas rangés au nombre de ceux qui soutiennent le mieux l’antique renommée des excellens vins de la Bourgogne.

L’un des plus estimés parmi les nouveaux gamays, propagé par M. de Meaux, riche propriétaire de Montbrison, constitue sous divers noms[2] le cépage de ce genre le plus cultivé dans les départemens de la Moselle, de la Meurthe et du Doubs. Ce cépage porte des feuilles régulières, planes, d’un vert foncé à la partie supérieure, non cotonneuses dessous ; il fleurit de bonne heure ; sa grappe est garnie de grains ovoïdes moins pressés que ceux du gros gamay ; ils mûrissent bien plus tôt et plus régulièrement. Le vin qu’il produit s’éclaircit aisément, son goût est assez agréable quand la vendange n’a point été égrappée, mais il est peu alcoolique et dénué d’arôme prononcé. Au reste, les meilleurs cépages de la tribu des

  1. Ou gamay noir du Beaujolais, — gamay de Laclère, Yonne, — lyonnaise commune, Allier.
  2. Gamay de Liverdun éricé noir et grosse race.