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précédent fournit le raisin qui entre, en proportions moindres à la vérité, dans la confection du vin des grands crus de la Bourgogne et de la Hongrie. Les vins fameux de Sillery et de Verzenay lui doivent, dit-on, leur doux arôme et l’ensemble de leurs précieuses qualités. Sans doute cette excellente variété de raisin a dû contribuer à la légitime renommée de ces deux vins ; mais aujourd’hui elle se trouve, par une circonstance bizarre, exclue des cuvées de Sillery. En effet, les récoltes de ce cru de premier ordre étant vendues aux fabricans de vins mousseux, qui examinent attentivement les paniers de raisins au moment où ils sont transvasés, ces fabricans, trompés par les apparences, éliminaient au triage les grappes roses, qu’ils considéraient comme appartenant au noirien ou franc pineau incomplètement mûr, et dépréciaient l’ensemble de la récolte en raison des proportions de ce raisin qu’ils avaient observées. De là est venue, suivant le docteur Guyot, la suppression de cette variété dans les vignobles de Sillery. Les grappes du pineau gris mûrissent en septembre ; elles sont courtes et serrées, particulièrement sur les jeunes ceps, et portent des grains arrondis, ovoïdes vers le pédoncule, de couleur gris rose légèrement violacé, contenant un jus sucré de saveur exquise. Cette variété précieuse est assez productive ; elle compte en divers lieux de nombreuses dénominations synonymes[1].

La variété analogue au pineau gris que l’on nomme pineau cendré complète souvent les cuvées des vins fins de Bourgogne, de Hongrie et d’Allemagne ; ses fruits mûrissent en septembre : réunis en petites grappes très courtes, ils présentent des grains serrés, petits, d’une nuance rose pâle, recouverts d’un abondant duvet gris cendré ; le jus, très sucré, est d’une délicieuse saveur[2].

Le pineau blanc, que caractérise son fruit légèrement doré, tacheté de brun, en grains peu serrés, arrondis, sur des grappes allongées peu volumineuses, est assez productif : il donne un jus doux et sucré qui produit dans les années favorables les vins blancs distingués de la Bourgogne, notamment ceux de Pouilly et de Montrachet[3]. De deux autres pineaux, l’un, appelé chauché gris, ne donne de bons fruits que dans un sol sec et léger, l’autre, appelé salles gris, ou

  1. On l’appelle aussi bien burot que pinot gris en Bourgogne, petit-gris et fromentot en Champagne, auxois, auxerras, gris de Dornot dans la Moselle, affumé, enfumé en Lorraine, cordelier gris dans l’Allier, griset, muscadet, malvoisie, auvergnat gris dans le Loiret et l’Indre-et-Loire, fauve dans le Jura, malvoisie, dans le Doubs, grauer klœvner et ruhlander en Allemagne.
  2. On le connaît sous les noms de sarfeger en Hongrie et de grauer tokayer on Allemagne.
  3. On le nomme dans la Côte-d’Or tantôt noirien blanc, tantôt chardenai ou chaudenai ; il est connu dans Saône-et-Loire sous le nom de yonne.