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mouvement commercial dont elle entretient l’activité. C’est en France que nous limiterons nos recherches sur cet ensemble d’opérations, et de la sorte il sera plus aisé d’en tirer des conclusions précises. Ici encore quelques données historiques devront précéder le tableau des faits actuels, mais il suffira d’indiquer celles qui se rattachent étroitement à notre sujet.

Les conditions dans lesquelles s’est faite l’acclimatation de la vigne en France sont généralement peu connues. On fait remonter aux Phocéens les premiers essais de viticulture dans les Gaules. C’est en 600 avant Jésus-Christ, quand ils vinrent fonder la ville de Massilia sur les bords de la Méditerranée, que les Phocéens auraient apporté dans leur nouvelle patrie quelques plants de vigne et propagé autour d’eux les pratiques viticoles des contrées qu’ils avaient parcourues. Comment ensuite la vigne s’est-elle étendue sur notre territoire ? Comment surtout se sont produites ces variétés nombreuses si heureusement appropriées à nos sols et à nos climats ? La science peut suppléer au silence de l’histoire sur cette question. Puisque toutes les vignes dérivent d’une seule espèce sauvage, spontanément propagée en divers lieux, dans les haies, les terres incultes, le long des forêts, il est bien évident que c’est par la voie des semis et du bouturage, par les procédés de la taille et des cultures, qu’on a pu profiter des résultats d’une expérience séculaire, obtenir et propager, suivant les circonstances locales, les variétés les mieux applicables à la production des vins dans chaque canton. La première période de la viticulture dans notre pays a été marquée par des tâtonnemens et des difficultés que font connaître quelques documens d’histoire locale. C’est par des armes assez étranges qu’on luttait contre certaines influences nées du climat. L’habitude des imprécations publiques et des malédictions contre les insectes et les animaux nuisibles régnait dans toute la France. L’auteur d’un bel ouvrage sur l’histoire et la statistique de la vigne et des grands vins de la Côte-d’Or, M. Lavalle, cite plusieurs exemples de ces imprécations puisés dans les archives de Dijon. Jusqu’aux XVIIe et XVIIIe siècles, cette coutume s’est maintenue ; elle caractérise en quelque sorte l’enfance de la viticulture, l’époque où la science n’était pas venue encore révéler les moyens vraiment efficaces de combattre certains fléaux. Plus tard, de célèbres entomologistes, La treille, Audouin, M. Duméril, devaient étudier quelles étaient, à l’état de larve, de chrysalide et de papillon, les habitudes de la pyrale de la vigne. Un vigneron de La Romanèche (Saône-et-Loire), bon observateur lui-même, Raclet, trouva le secret d’arrêter les ravages de la pyrale, à l’aide d’un simple échaudage à l’eau bouillante qui élève superficiellement la température au point de faire périr