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a des expédiens qui se découvriront peu à peu, et ces expédiens seront des retours aux formes, sinon au fond du gouvernement parlementaire. Où sera le mal ? où sera le danger ?

J’ai indiqué les ressemblances inévitables ; faut-il indiquer les différences fondamentales, et que rien ne pourra abolir, sinon un changement dans la constitution ? Je prends une de ces différences. L’article 44 de la constitution dit que les ministres ne peuvent être membres du corps législatif. Je sais quels sont les motifs de cette disposition. On croit que, lorsque les ministres sont membres du corps législatif, le gouvernement se trouve nécessairement dans les chambres. Elles ont la prépondérance, elles font et défont les ministres. M. de Maupeou, quand il fit son coup d’état de 1771 contre les parlemens, s’applaudissait d’avoir retiré la couronne du greffe. La constitution de 1852 a voulu retirer le gouvernement des chambres. Soit ! Les chambres ne discuteront plus contre les ministres : cela peut plaire ou déplaire aux ministres, mais cela n’empêche pas que le gouvernement ne soit forcé de soutenir la discussion dans les chambres. Il la soutient par les conseillers d’état et surtout par le président du conseil d’état, qui a soutenu jusqu’ici les discussions les plus diverses avec beaucoup de talent. Quelles sont les conséquences de cette exclusion des ministres mis en dehors du corps législatif ? Quelles sont les conséquences de l’intervention parlementaire du conseil d’état ? L’expérience ne me semble pas encore avoir prononcé sur ces questions ; mais ce qui est certain jusqu’ici, c’est que la liberté de la discussion parlementaire ne doit pas être plus gênée avec les conseillers d’état qu’avec les ministres.

Ainsi la constitution de 1852, soit que je prenne quelques-unes des différences de principes qu’elle a avec nos anciennes constitutions, soit que je prenne les ressemblances inévitables, ne peut vivre et être pratiquée qu’à la condition de se rapprocher de plus en plus par les formes du régime représentatif ou parlementaire que nous avons eu depuis trente ans. Ce rapprochement est-il bon ? Je le crois. Est-il dans le penchant du temps ? Qui, si le temps est calme, oui, si la paix continue ; et pour hâter ce rapprochement, il faut le concours du gouvernement, des corps délibérans, du public, des partis, et même des plus humbles controversistes politiques.

Tel est le sentiment qui m’a inspiré l’étude qu’on vient de lire.


SAINT-MARC GIRARDIN.