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renaître, et renaître cette fois pour recevoir une solution finale. Et de ce qui aurait jadis présagé des luttes sans fin, on fait sortir l’espoir d’un arrangement pacifique qui comprendrait toutes les questions en une seule.

Il faut cependant convenir qu’au premier abord la question d’Orient ne semble mettre d’accord les gouvernemens qu’en les plaçant simultanément sur le qui-vive, et en leur faisant à tous une commune nécessité d’aviser. Autrement, en elle-même, on ne voit pas qu’elle soit un trait d’union qui rapproche tous les intérêts, toutes les opinions, tous les efforts. Nulle question au contraire ne donne immédiatement naissance à des dissidences qui semblent moins conciliables. Dans l’hypothèse d’un partage de l’empire turc, la Russie jusqu’à présent s’est réservé Constantinople ; l’Autriche ne se peut contenter si elle n’a les bouches du Danube. Un coup d’œil jeté sur la carte montre que ces prétentions sont absolument contradictoires. Une solution souvent préférée par la presse, en donnant satisfaction à l’Autriche, réunirait Constantinople à la Grèce, et formerait avec la Roumélie un grand état indépendant, tandis que les bords méridionaux de la Mer-Noire et toute l’Asie-Mineure seraient la part de la Russie. On peut admettre, par pure hypothèse, qu’aucun intérêt, aucun préjugé, n’éloignerait la France ni la Prusse de cette solution ; mais, tandis qu’elle satisferait peu les Russes, elle ne serait, pas plus que tout autre mode de partage, du goût des Anglais, qui maintiennent avec persévérance le statu quo, qui ne transigent ni sur l’existence, ni sur l’indépendance, ni sur l’intégrité de l’empire ottoman. L’Angleterre n’en convoite aucune province autant qu’elle en redoute le partage. Rien n’annonce encore qu’elle se laisse ébranler sur ce point fondamental de sa politique. Dans ce conflit de l’Angleterre, de l’Autriche et de la Russie, il est difficile de prévoir avec certitude ce que ferait la Prusse. Elle aurait probablement grand besoin de la tergiversation dans l’action et de l’obscurité dans le langage qui sont les deux ressources habituelles de sa politique. Quant à la France, elle semble engagée par les précédens au système de l’Angleterre. Elle a pu y faire quelques exceptions, s’emparer d’Alger, protéger la demi-émancipation de l’Égypte, mais elle a pris la part principale à la guerre de Crimée ; elle a versé son plus noble sang pour empêcher la Russie de régner à Constantinople. Une tradition du cabinet de Paris, une tradition que recommande le nom de Napoléon, nous dit que c’est un agrandissement que nous ne devons jamais souffrir. Quoique plus rapprochée aujourd’hui de la Russie, il est impossible que la France s’associe sans restriction à tous ses desseins. Des circonstances nouvelles, la marche des faits, peuvent avoir modifié l’état de la Turquie et notre