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propriétés particulières seraient respectées par l’envahisseur ; on l’interrogeait sur l’influence qu’un tel événement pourrait exercer sur le commerce anglais, sur la prospérité des autres peuples et sur le contre-coup qu’en éprouverait l’envahisseur lui-même au point de vue financier et commercial. Personne n’était en état de répondre avec plus d’autorité que lord Overstone à ces étranges questions. Lord Overstone est peut-être le représentant le plus éminent du grand commerce et de la grande banque en Angleterre. C’est un de ces prince-merchants dont les Anglais sont si fiers, c’est le Jones Loyd de la Cité, élevé à la pairie non-seulement par sa grande influence et sa richesse commerciale, mais par la puissance qu’il a montrée dans ses conceptions économiques, et par le rare talent d’écrivain qu’il a déployé dans l’exposition de ses vues. Sir Robert Peel s’inspirait de ses conseils, et lord Overstone passe pour être l’auteur de la charte que le grand ministre a donnée à la Banque d’Angleterre. Rien que dans le contraste des aptitudes de cet homme éminent avec la nature des circonstances qui l’obligent à répondre aux questions que nous venons d’indiquer, il y a quelque chose qui fait violence à la raison et accuse notre époque. Nous ne reproduirons pas les réponses de lord Overstone. Espérons, pour l’honneur de la civilisation, que l’apocalypse hypothétique qu’il a tracée ne se réalisera jamais. Avec la connaissance si profonde qu’il a des ressorts subtils et compliqués de l’organisation du crédit commercial anglais, lord Overstone fait toucher du doigt les désastres qu’entraîneraient pour l’Angleterre, non pas même une invasion triomphante, mais seulement la menace sérieuse d’une agression pareille et le simple débarquement d’une puissante armée étrangère sur un point du territoire. Il montre également la réaction qu’un tel événement produirait infailliblement sur la prospérité commerciale des autres peuples. « Je ne doute pas, dit-il que les conséquences d’un coup pareil porté à la prospérité de l’Angleterre ne fussent ressenties dans toutes les parties du monde où le commerce a pénétré. Une portion considérable des forces productives du monde est alimentée par le capital anglais et le crédit britannique. Voyez nos exportations annuelles s’élevant à une valeur d’environ deux milliards et demi ; cela vous indique dans quelles proportions les autres contrées demandent à l’industrie britannique leurs consommations de nécessité ou de luxe. Considérez nos importations, qui représentent une somme égale et montrent quel débouché les productions des autres pays trouvent dans l’Industrie britannique. Le pays d’où émanent ces gigantesques transactions ne peut être sérieusement endommagé sans conséquences désastreuses pour les contrées liées à lui par des relations directes ou indirectes. Telle est la loi bienfaisante du commerce international ; tous les peuples commerçans sont intéressés solidairement à la prospérité croissante de leurs voisins, et l’on ne saurait douter que les effets du coup qui serait porté par une invasion à notre bien-être vibreraient à travers le monde commercial tout entier. Mais ces effets ne