Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/250

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la politique étrangère, l’empereur venait, autant qu’il était en son pouvoir, rassurer les princes allemands sur les desseins de la France. Nous ne doutons pas que l’empereur n’ait réussi à faire partager par la conférence des souverains la confiance qui l’avait conduit parmi eux. Ainsi que le prince de Prusse a eu le droit de le faire remarquer, la présence de l’empereur à Bade était le désaveu le plus éclatant des projets de revendication de frontière attribués à la France. À côté d’une démarche aussi significative, que sont ces brochures où l’on prend plaisir à entretenir les inquiétudes que le chef de l’état met tous ses soins à calmer, où l’on irrite en se jouant des préjugés des peuples étrangers pour exploiter en les flattant les préjugés de la France ? On donne évidemment, à l’étranger et parmi nous, trop d’importance à ces spéculations de publicité, qui doivent leur éphémère retentissement aux restrictions fâcheuses qui empêchent la presse de lutter contre la crédulité de l’opinion et de redresser ces écrivains peu scrupuleux que les Anglais ont si bien appelés catchpenny writers, comme qui dirait des grippe-sous littéraires battant monnaie sur la sottise publique.

Malheureusement cette infirmité de la défiance et de la crainte a pris, aujourd’hui des proportions qui surpassent Inefficacité des bonnes intentions et des plus sincères démarches. Quelle preuve plus frappante de l’étendue du mal que ce qui se passe en Angleterre ? Nous ne sommes pas de ceux qu’offensent les manifestations guerrières auxquelles les Anglais s’abandonnent avec un si curieux enthousiasme. Quand la folie des entreprises, des préoccupations et des craintes de la politique étrangère s’empare des peuples, nous croyons qu’il est aussi imprudent qu’inutile de les chicaner sur les précautions qu’ils jugent nécessaires à leur sûreté. Contre le paroxysme de ce mal, nous ne connaissons d’abord qu’un remède : c’est que chacun s’arme suffisamment pour recouvrer le sentiment de sa sécurité. Que les Anglais et les Allemands s’arment donc à leur guise et qu’ils arrivent le plus tôt possible au moment où ils croiront n’avoir plus personne à craindre : il faut s’y résigner. Par malheur, cette façon qu’ont les peuples de se rassurer a deux inconvéniens graves : en premier lieu, elle n’est point expéditive ; en second lieu, elle est ruineuse. Les Anglais par exemple viennent de se convaincre, par le rapport de la commission qui a été chargée d’examiner leur système de défense, que d’immenses fortifications leur sont nécessaires, s’ils veulent se protéger contre la perspective d’une invasion. Or la construction de ces fortifications demandera quatre années, et coûtera près de trois cent millions. Parmi les témoignages réunis dans cette enquête, celui qui a produit l’impression la plus profonde et qui a porté dans tous les esprits la conviction que l’Angleterre devait se fortifier à tout prix est la réponse de lord Overstone. Les questions posées par la commission à lord Overstone sont un singulier signe du temps. On lui demandait son opinion sur les effets probables de l’occupation de Londres par une armée envahissante, dans le cas où les livres, les valeurs et les fonds publics auraient été mis à l’abri, et où les