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en effet singulièrement répandues depuis plusieurs années, et la construction des batteuses est devenue l’une des branches les plus importantes de notre machinerie agricole. En opérant un battage plus complet que le fléau, elles rendent au pays le service d’augmenter un peu ses ressources alimentaires. Elles ont aussi le mérite de détruire, par la violence du choc auquel le grain est soumis, un grand nombre d’œufs, de larves et d’insectes nuisibles, et d’affranchir beaucoup d’ouvriers des conditions délétères où les plaçait pendant de longs mois le battage en grange à l’aide du fléau.

On peut définir les machines à battre des appareils qui saisissent, entre un tambour batteur animé d’une grande rapidité et un contre-batteur fixe, les portions de gerbes qu’on leur présente, afin de soumettre les épis à des secousses assez énergiques pour en faire sortir tous les grains qu’ils renferment. Les batteuses que fait marcher la vapeur, et que desservent un nombre suffisant d’hommes, accomplissent un travail étrange, presque incroyable : en supposant qu’il soit possible de leur fournir tout ce qu’elles sont capables de dévorer, les plus actives viendraient à bout de six mille gerbes en dix heures, dix gerbes à la minute ; mais, tout en se tenant fort loin d’un pareil prodige, le battage mécanique ordinaire apporte à notre agriculture un très précieux concours. On peut en moyenne compter, avec une bonne machine, sur un rendement de cent gerbes de blé par jour et par homme employé. C’est, on le voit, mieux que le dépiquage, le rouleau, le fléau, mieux aussi que ce que l’Écossais André Meikle obtenait, il y a trois quarts de siècle, avec la machine qui a servi de point de départ à nos batteuses actuelles.

Certaines machines battent en long, c’est-à-dire que l’épi entre le premier dans le gouffre béant auquel on le présente. La paille suit dans toute sa longueur, et elle ressort du côté opposé plus ou moins brisée, mais entièrement dépouillée des grains qu’elle portait. Les autres laissent plus de grain et travaillent moins vite, mais elles conservent mieux la paille : ce sont celles dites batteuses en travers, qui agissent par frottement et par percussion en même temps, tandis que les premières n’agissent que par percussion. La rapidité du tambour batteur des secondes est moindre ; les dimensions de l’appareil sont plus grandes. On doit les employer partout où la paille peut se vendre ; mais les premières semblent préférables là où le cultivateur utilise lui-même ses pailles et les convertit en fumier, parce que le fumier des pailles un peu brisées est toujours de qualité supérieure. Machines battant en long, machines battant en travers, elles peuvent les unes et les autres recevoir comme appendices, si le moteur qui les commande est réellement assez puissant pour bien suffire à ce surcroît de rouages, un secoueur qui sépare