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En face de ces prétentions contraires, le roi s’est tenu rigoureusement dans le rôle que lui réservaient les dispositions les plus formelles de la constitution norvégienne : il a déclaré, avant d’avoir reçu communication officielle des résolutions de la diète suédoise, son refus de sanctionner le vote du storthing, renvoyant ainsi les parties dos à dos. Quant à la révision demandée par les états de Suède, le storthing a répondu dans une adresse au roi qu’il n’y consentirait jamais sur la base proposée par la diète. Il a protesté hautement contre cette interprétation du principe fondamental de l’union. La Norvège est, suivant lui, un état complètement indépendant et souverain, uni à la Suède par le seul lien d’un roi commun portant sur sa tête deux couronnes ; les deux royaumes sont égaux en droits ; l’acte d’union, aussi bien que la loi fondamentale de Norvège, ne peut être changé, entièrement ou dans une de ses parties, que par le consentement commun du storthing et du roi de Norvège ; le roi de Suède et la diète de Suède n’ont rien à y voir.

Voilà où en sont venus ces longs dissentimens entre la Suède et la Norvège, qui sont, à vrai dire, aussi vieux que l’union. La première année du règne de Charles XV, pendant laquelle ils ont amené ces derniers résultats, n’a recueilli que les fruits dont Charles-Jean avait déposé le germe et que son fils Oscar avait laissé mûrir.

Les deux peuples ont eu également des torts dans ce funeste débat. Les Suédois ont eu le tort de ne pas mieux fixer les termes du contrat. Le riksact, l’acte d’union rédigé en 1815, aurait dû contenir toutes les dispositions propres à régler d’une manière précise les rapports entre les deux peuples ; on a vu combien peu il répondait à cette nécessité. Il faudrait que l’acte d’union, réglant les relations mutuelles, pût être révisé d’un commun accord par la diète suédoise et le storthing, car d’une part on ne comprend pas que le roi de Norvège puisse intervenir pour modifier le pacte mutuel sans le roi de Suède, et ni le roi de Suède ni le roi de Norvège n’est absolu ; ni l’un ni l’autre ne peut modifier quelque article de la constitution sans la coopération de son parlement. Contrairement à ces vérités fondamentales et à ces nécessités de droit public, l’article 12 de l’acte d’union dispose que cet acte ne pourra être modifié que de la même manière que la constitution norvégienne et qu’il aura même valeur. Or la constitution norvégienne, en vertu de son article 112, ne peut être en effet modifiée que par le consentement du storthing et du roi de Norvège. Nous ne voyons donc aucun moyen légal pour les Suédois d’obtenir la révision du pacte fondamental, si les Norvégiens n’y consentent pas. Les textes sont pour le storthing, et il sait bien qu’il peut exiger constitutionnellement le maintien du statu quo. Les Suédois ont eu un autre tort : celui de ne