Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/117

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du premier texte diplomatique destiné à régler la question norvégienne. Les hostilités qu’il ouvrit en juillet contre la Norvège par mer et par terre, et qu’il poussa vigoureusement, semblèrent vérifier ses menaces ; mais, au milieu même de ses opérations, il multiplia de nouveau les promesses de libertés, et finalement, par la convention de Moss (lu août), il prit l’engagement, au nom de la Suède, d’accepter la constitution votée le 17 mai à Eidsvold, sous l’unique condition d’apporter à cette charte, mais d’accord avec le storthing, les seules modifications rendues nécessaires par la future union.

Ainsi non-seulement Bernadotte s’était laissé lier les mains dans son traité particulier avec l’Angleterre le 3 mars 1813, et dans le traité de Kiel du 14 mars 1814, mais de plus, dépassant de beaucoup l’effet des promesses qu’il avait faites à la Norvège elle-même, il venait de consentir au nom de la Suède une constitution qui rappelait la révolte dont elle était l’œuvre, et qui organisait en Norvège un système démocratique presque entièrement contraire à l’esprit des institutions suédoises. Il marchait de concession en concession, toujours cédant à quelque nécessité qu’il n’avait pas su prévenir ou surmonter. Loin de nous la pensée de condamner Bernadotte, s’il entrait véritablement dans ses projets politiques de fonder une union dans laquelle, loin de nuire à la Suède, la Norvège, douée d’institutions libres, lui aurait servi de modèle, en se trouvant elle-même entièrement heureuse et satisfaite. Il nous semble difficile de nier qu’il eût été plus avantageux à la Suède d’acquérir la Norvège comme partie intégrante et comme province incorporée ; toutefois il ne faut pas exagérer cet avantage. On a dit que Bernadotte ne s’était pas soucié de l’obtenir, guidé qu’il était par des vues égoïstes, croyant gouverner plus facilement deux peuples dont les institutions seraient si différentes, aspirant à ménager pour sa dynastie et pour lui-même un asile en Norvège, si une restauration lui enlevait un jour la Suède. Il nous semble plus certain qu’il montra dans cette grande affaire ou bien une véritable impuissance, suite du rôle funeste et à certains égards équivoque qu’il avait accepté dans les affaires de l’Europe, ou bien beaucoup d’imprévoyance, sinon de dissimulation.

Il fallait de toute nécessité que l’union des deux royaumes, quelque peu étroite et quelque respectueuse des droits particuliers de la Norvège qu’on la voulût faire, se trouvât réglée très nettement, afin d’instituer pour l’avenir des rapports loyaux et faciles et de parer à de futurs dissentimens. On n’en fit rien. Le prince Christian-Frédéric avait abdiqué le 10 octobre entre les mains du storthing. En même temps arrivaient à Christiania les commissaires suédois