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conseillers un esprit de bienveillance et d’équité égal à celui qui anima sans cesse le roi Oscar et son gouvernement ; mais nulle ne rendait plus nécessaires aussi une fermeté de vues et une promptitude de résolution capables de prévenir les complications qui pèsent en ce moment sur la politique intérieure des cabinets du Nord. L’union des deux royaumes, très inhabilement établie, ne saurait presque subsister désormais, si l’on ne s’applique prochainement à en renouveler et à en fixer les bases. Les Suédois, qui souffrent surtout de ces rapports mal définis, ont pris l’initiative et demandé une révision du pacte d’union. Il s’agit de savoir si les Norvégiens se prêteront à laisser amender une constitution dont ils sont fiers et jaloux à l’excès peut-être, si le gouvernement y consentira, et si l’indépendance conquise par la Norvège devra en souffrir quelque atteinte. On comprend toute l’importance de cette question intérieure, dont la solution, suivant qu’elle sera heureuse ou funeste, peut troubler ou affermir l’équilibre du Nord, et préparer dans la péninsule Scandinave des sujets, d’inquiétude pour le reste de l’Europe. Cette question a ses origines dans l’histoire des conditions nouvelles que la politique générale a faites au nord Scandinave pendant les cinquante dernières années, et cette même histoire, si on y ajoute la connaissance du génie particulier des deux peuples, en contient aussi, à ce qu’il semble, l’unique solution.

Nous ne referons pas tout le récit de cette annexion, accomplie en 1814[1]. C’est plutôt la manière dont elle a été constituée qu’il nous importe d’examiner ici, afin de savoir pourquoi et comment la nécessité se présente aujourd’hui d’en renouveler les bases. Cet examen doit consister dans une étude de textes diplomatiques, rédigés naguère avec incertitude, et discutés aujourd’hui dans le Nord avec passion. Il importe de connaître tous ces précédens pour faire apprécier l’attitude prise par le roi Oscar en présence d’une des principales difficultés de son règne.

Aussitôt qu’il fut élu prince royal de Suède, Bernadotte jeta les yeux sur la Norvège et résolut de l’obtenir à tout prix. Il avait trouvé la pensée de cette conquête déjà populaire dans sa nouvelle patrie, et dès le règne de Gustave III, le duc de Sudermanie, plus tard Charles XIII, qui aspirait sourdement au pouvoir suprême, se faisait saluer prophétiquement, par les illuminés qui lui servaient de flatteurs, souverain des deux royaumes. Bernadotte fut jaloux de réaliser ce rêve des Suédois. Un tel agrandissement compenserait pour eux la perte de la Finlande, augmenterait leur puissance militaire et maritime, ouvrirait à leur patriotisme une période nouvelle

  1. On trouvera ce récit dans la Revue du 15 avril 1856.