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lui offre pas les moyens de le renverser de ses propres mains, et il n’est pas probable que la pensée lui vienne de faire en ce seul point violence aux anciennes traditions du pays.

Si l’intervention personnelle du roi Oscar dans la question de la représentation nationale, après avoir été réelle et bienveillante au commencement de son règne, paraît s’être ralentie dans la suite et avoir été remplacée même par une attitude peut-être défiante, elle s’est montrée plus constamment favorable à la plupart des autres réformes qui se sont accomplies sous son règne. Les principales, avons-nous dit, sont de celles qui touchent de près aux premiers intérêts de la dignité humaine, et qui sont de nature à faire grand honneur à un pays et à un prince chrétiens.


On sait combien de déboires ont valus à la Suède et combien de remontrances lui ont attirées, même de la part de ses coreligionnaires, les tristes épisodes de la question religieuse, devenus fréquens pendant le règne d’Oscar. Une législation barbare, autre héritage du moyen âge que la Suède moderne avait consacré, punissait de confiscation et d’exil quiconque se séparait de l’église établie. On avait vu les non-conformistes quitter en foule une cruelle patrie, on avait vu des épouses et des mères séparées de leurs enfans et de leurs maris, condamnées à aller vivre à l’étranger dans la plus complète misère, ou, pour dire toute la vérité, à s’en aller mourir de faim quelque part hors de leur pays, si la charité ne venait promptement les secourir. De par la loi, leur fortune, quelque considérable ou quelque humble qu’elle fût, se trouvait confisquée ; nul secours, nulle pension alimentaire… L’Europe avait vu ces excès, et la réprobation, c’est peu dire, l’indignation avait été générale. La diète suédoise ne s’en était pas d’abord assez émue. Les deux ordres privilégiés s’opposaient trop ouvertement pour leur honneur à une réforme dans laquelle le clergé luthérien surtout voyait une atteinte mortelle au bel édifice d’une église d’état. Les paysans eux-mêmes soutenaient volontiers la cause du passé ; la bourgeoisie seule combattait sans arrière-pensée pour une cause où elle voyait intéressées à la fois la plus respectable des libertés et la dignité de la Suède. Quant au roi Oscar, il était le premier à souffrir, on peut l’affirmer, d’une législation que sa conscience désapprouvait, de l’intolérance générale dont il voyait la Suède animée, et des nombreuses récriminations qu’elle s’attirait du dehors. Personnellement dévoué à la cause de la tolérance, mais gêné par son titre de chef de l’église officielle et d’époux et fils de reines catholiques, il cherchait à concilier les devoirs de sa souveraineté avec les sympathies de son cœur. Il n’encourageait pas les poursuites religieuses, et quand des