Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/102

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toutes pièces par le moyen âge à un état moderne. La diète suédoise n’est plus, il faut bien le reconnaître, qu’une machine informe digne d’exciter la curiosité publique. L’étranger ne manque pas d’aller visiter les quatre chambres ; il entre avec étonnement dans une grande maison de la cité qui ne se distingue en rien des maisons voisines, rencontre au premier étage l’ordre du clergé, au second étage l’ordre des bourgeois et celui des paysans ; la noblesse seule a un palais digne de la représentation nationale. L’étranger a-t-il là sous les yeux une fidèle image de la nation suédoise ? Non, certes. Il n’est pas vrai que la noblesse de Suède forme aujourd’hui, comme autrefois, une classe prépondérante de la nation. Sa mauvaise conduite l’a perdue. Appauvrie et amoindrie de toutes les manières, n’ayant plus de refuge, sauf exception, que dans la faveur royale, elle ne subsiste plus que par le privilège. De même le clergé, dépendant du roi, n’est plus qu’une réunion de fonctionnaires. Restent la chambre des bourgeois et celle des paysans, composées la première de cinquante membres environ, la seconde de cent tout au plus. On ne peut nier que ces deux derniers ordres ne correspondent à la partie la plus vivace de la nation ; mais pourquoi ne la représentent-ils qu’en si petit nombre ? Pourquoi leurs votes, au lieu d’être prépondérans dans la diète quand par exemple ils se trouvent d’accord, sont-ils incessamment tenus en échec par ceux des deux ordres privilégiés, qui ne représentent, à vrai dire, que leurs propres intérêts ? Pourquoi la constitution fait-elle de ces bourgeois une caste qui ne représente pas toute la classe moyenne, mais seulement les individus pourvus, comme au moyen âge, du droit de bourgeoisie dans les villes ? Pourquoi fait-elle de ces paysans une autre caste qui ne représente pas tous les propriétaires et cultivateurs ruraux ?

On est depuis longtemps d’accord en Suède sur l’absurdité de cette combinaison, qui fait de la représentation nationale un mensonge, qui entrave par sa complication inouïe et ses lenteurs les réformes les plus utiles et ne produit qu’avortemens, qui prive une moitié de la nation de ses droits politiques et dégoûte des siens l’autre moitié. Seulement on n’est pas d’accord sur le remède. Faut-il, pour déraciner tout de suite le mal, abolir complètement le principe de la division par ordres, faire table rase et instituer sur le sol déblayé une représentation conforme à l’esprit de notre temps, tenant également compte de toutes les forces du pays, reproduisant son unité, répondant à la diversité de ses intérêts, et faisant dominer comme de raison dans les conseils publics l’influence des classes moyennes, celle des professions libérales, celle de l’industrie et du commerce, celle des propriétaires et des cultivateurs du sol ? Ou bien vaut-il