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sûre du concours de nombreuses voix du parti ministériel. Un article foudroyant du Times semblait présager la défaite et la chute de M. Gladstone. Lord Palmerston passait pour être peu favorable aux idées de son collègue et peu enclin à se compromettre pour lui. Le sort ministériel de M. Gladstone dépendait de lui. L’éloquent orateur ne devait pas voir s’approcher sans anxiété l’épreuve décisive. Vaincu, évincé du cabinet par un vote parlementaire, lui, avec sa fine nature et son élégance innée, il était réduit à se déclasser, à aller jusqu’à « Manchester, » à jouer dans une opposition radicale la partie de M. Bright. Lord Palmerston a, par un brusque revirement, épargné ce déboire à M. Gladstone. Il a réuni les membres de son parti le jour même où devait avoir lieu le vote, et leur a demandé leur appui, non pas en s’appuyant sur la bonté de la mesure en elle-même, mais au nom de la confiance due, a-t-il dit, à la politique étrangère pratiquée par lui et son noble ami lord John. Les récalcitrans se sont rendus à cette demande de confiance, et M. Gladstone a dû son maintien au ministère non-seulement à son rival, mais à la popularité d’une politique étrangère qui doit lui être antipathique. Avoir à la fois humilié et sauvé un collègue, quel coup de partie pour ce joueur infatigablement heureux qui se nomme lord Palmerston !

Ce serait peut-être le cas de parler de l’injustice des partis ; mais nous avouons qu’il nous répugne de tomber, même pour la défense d’un homme aussi éminent que M. Gladstone, dans ces invectives contre les partis qui sont aujourd’hui à la mode parmi nous. « Heureux enfans, disait-on naguère aux élèves de nos collèges réunis à la distribution du grand concours, vous ignorez encore l’injustice des partis ! » Qu’allaient faire là les partis, grand Dieu ? Quel moyen les partis ont-ils d’être injustes, à moins qu’ils ne soient les plus forts, et enfin quel mal peuvent-ils faire dans un pays où ils n’ont pas d’existence officielle et sont réduits au silence ? Heureux au contraire, dirons-nous pour notre compte, et M. Gladstone, ce glorieux champion des luttes de partis, nous appuierait volontiers, heureux ces chers enfans, s’ils ne devaient pas connaître dans la vie, même dans la vie politique, d’injustices plus cruelles et plus offensantes que celles des partis dans un pays libre !

La Hollande vient d’arriver enfin à la solution d’une question, celle des chemins de fer, qui depuis longtemps faisait diversion dans la politique, qui agitait les esprits, et a même créé récemment une certaine tension dans la seconde chambre des états-généraux. On se trouvait tout à la fois en face de la nécessité d’en finir avec toutes les incertitudes qui ont trop ajourné jusqu’ici pour la Hollande les bénéfices d’un réseau de lignes de fer, et en présence de toutes les divisions d’opinions dans le choix d’un système. Les chemins de fer seraient-ils construits par l’état ? seraient-ils entièrement abandonnés à l’industrie privée ? C’est encore sur ce terrain que s’est engagée dans la seconde chambre une discussion qui, cette fois du moins, a été décisive. Le nouveau ministère, présidé par M. van Hall, s’était prononcé pour le système de la construction par l’état, et il avait présenté un projet