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lonté, se multipliant, prodiguant un zèle éclairé, mais trop tardivement mis à l’épreuve, ne s’appuyant que sur une poignée de ministres honnêtes gens, bien intentionnés, mais sans clientèle et sans influence. Les traits de ce triste tableau ne sont que trop vrais ; mais que les hommes éclairés et prévoyans du Piémont, que ceux qui ont assez de vigueur d’esprit et de caractère pour ne pas se laisser engourdir par la torpille révolutionnaire et devenir les jouets inertes des événemens y prennent garde. Ce n’est pas à Naples seulement que ce passif anéantissement de tout ce qui n’est pas « le parti de l’action » existe ou menace de se produire. Cette hébétude, qui est commune dans les temps révolutionnaires, peut gagner le Piémont lui-même. L’inertie du gouvernement piémontais en face de ce mouvement des volontaires désavoué par une lettre publique du roi n’est-il pas un symptôme de cet affaiblissement par lequel se laissent amollir et démonétiser les hommes qui reculent devant les résistances opportunes ? Ce sentiment d’attente passive, cette apathie anxieuse, s’étendent vite, nous en savons quelque chose, sur les classes intelligentes et industrieuses en temps de révolution ; mais nous savons aussi qu’il suffit d’un courageux exemple de résistance, d’un temps d’arrêt imprimé habilement au mouvement, pour commencer la réaction salutaire, pour secouer la léthargie générale, ranimer les courages éteints, faire renaître la confiance. Nous ne doutons pas qu’il n’y eût à Naples un parti constitutionnel, si M. de Cavour avait le courage de signer l’alliance napolitaine. Il y aurait encore une dernière espérance, si l’on obtenait que Garibaldi ajournât son passage sur le continent après que la nation aurait été consultée et le parlement réuni ; mais si rien n’est essayé, si rien n’est osé dans ce sens, il ne nous reste plus qu’à exhorter les Italiens à faire un bon emploi de l’emprunt qui vient d’être souscrit, à dresser, non des volontaires, mais des soldats, à se préparer aux résolutions héroïques que réclament les temps révolutionnaires. Nous nous refuserons jusqu’au dernier moment à croire, comme l’affirment cependant des hommes compétens qui connaissent l’état présent de l’Italie du nord, et qui voudraient écarter de la cause italienne de nouveaux désastres, que l’Autriche, si elle était attaquée dans Venise, aurait aisément raison de la péninsule ; mais nous attendrons l’avenir avec tristesse, en faisant des vœux pour que nos appréhensions soient trompées par l’énergie et la bravoure italiennes.

L’Autriche ne se contente pas, pour se préparer à de nouvelles luttes, de resserrer les liens qui l’unissent à ses confédérés allemands : elle achève de briser le système de centralisation oppressive par lequel elle avait voulu réagir contre les révolutions de 1848, et qui lui a été si funeste. On annonce un prochain manifeste de l’empereur d’Autriche ; une constitution serait rendue à l’infortunée et valeureuse Hongrie. Ainsi que nous l’avions prévu, le conseil de l’empire, dont les attributions avaient été très limitées à l’origine, a été comme une assemblée de notables rendant nécessaire une convocation d’états-généraux, tant toute assemblée politique, quelle qu’en soit l’origine, de quelques restrictions qu’on ait cherché à l’entourer, acquiert