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elles profiteront de tous les moyens que le droit des gens établi leur procurera, de toutes les occasions que leur fourniront les événemens.

L’Autriche s’est déjà servie de ces dispositions pour préparer sa politique défensive. Cette préparation a été en très grande partie l’œuvre de la réunion à Tœplitz de l’empereur François-Joseph et du prince-régent. Il paraît que l’Allemagne garantit à l’Autriche la possession de la Vénétie, dans le cas où l’Autriche serait attaquée par le nouveau royaume italien avec le concours d’une autre puissance. Ici encore nous nous bornons à exposer un fait dont nous sommes bien loin sans doute de nous féliciter, mais qui est la conséquence malheureuse, naturelle et prévue de ce qui se passe en Europe depuis deux ans. Les raisons tirées de l’état de l’Italie ne sont pas les seules ni peut-être les principales qui aient motivé cet accord. D’autres considérations y ont influé à coup sûr, et, comme nous l’avons prédit souvent aux Italiens, ils se trouvent, dans cette circonstance, enveloppés à leur détriment dans des questions plus vastes que celles où ils sont directement intéressés. D’ailleurs la garantie donnée par l’Allemagne à l’Autriche pour la possession de la Vénétie ne peut surprendre personne. C’est une vieille idée, ou, si l’on veut, un obstiné préjugé germanique : la ligne du Mincio est nécessaire à la sécurité de la confédération. L’année dernière, l’empereur indiqua la résistance de l’Allemagne sur ce point comme l’une des principales causes qui avaient dû l’arrêter au seuil de la Vénétie. Pendant la guerre d’Italie en effet, les partisans les plus décidés de la neutralité absolue de l’Allemagne et de la Prusse s’accordaient pourtant à regarder l’intérêt de l’Allemagne comme engagé dès que la guerre dépasserait le Mincio. En remontant un peu plus loin dans le passé, on doit se rappeler ce qui arriva en 1848 dans le parlement de Francfort. Un orateur de l’extrême gauche, un des chefs de la démocratie allemande, M. Arnold Ruge, conséquent avec ses principes, eut un jour le courage de faire des vœux pour la défaite des armées du maréchal Radetzky. Le président, M. Henri de Gagern, le représentant le plus populaire alors du parti libéral en Allemagne, s’écria, plein d’indignation et sous un tonnerre d’applaudissemens, que souhaiter la défaite des armes allemandes, c’était commettre un acte de haute trahison ! Et lorsque plus tard le général de Radowitz, avec l’autorité supérieure de son talent et de son savoir, exposa à l’assemblée l’importance de la Vénétie pour l’Allemagne aux points de vue stratégique, politique et commercial, l’extrême gauche, malgré ses sympathies pour la liberté des Italiens, se joignit aux applaudissemens qui accueillirent l’orateur. « La Vénétie, disent les Allemands, et certes nous exposons leur argumentation non comme une démonstration irréfutable, mais seulement comme un fait dont la politique est obligée de tenir compte, la Vénétie couvre l’Allemagne au sud. La perte de Venise entraînerait tôt ou tard celle de Trieste et du littoral illyrien et du Tyrol italien, possessions dont la conservation importe à l’honneur de l’Allemagne, puisqu’elles font partie du territoire fédéral, autant qu’à sa sécurité, puisqu’elles sont ses boulevards naturels. Les boulevards et les défilés qui