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J’ai quitté mon toit ce matin ;
Ma mère, avec une caresse,
Ma mère m’a mis dans la main
Un écu, mince richesse.

« Maintenant qui veut me nourrir ?
Qui veut me prendre en sa demeure ?
Je fais serment de le servir
Le jour et la nuit, à toute heure.
J’irai surveiller ses pastours
Et battre son blé dans la grange ;
Je ferai ses foins, ses labours,
Sa moisson et sa vendange… »

Puis, quand les gages sont donnés,
Ils s’en reviennent à la danse.
Sonnez, cornemuses, sonnez ;
Toi, vielleur, marque la cadence !
Avec leur danseuse au côté,
Ils tournent et sautent sans cesse ;
O dernier jour de liberté,
On te boit avec ivresse !

Aujourd’hui c’est l’air imprégné
D’amour, l’air natal du village ;
Mais demain c’est le pain gagné
À la sueur de son visage.
Ce soir encor, tout est plaisir ;
Mais demain il faudra connaître
L’escalier si raide à gravir,
Le dur escalier du maître !

VI.

APRÈS LA GRAND’MESSE.

Comme un chœur argentin, le carillon éclate ;
La messe du village est finie, et l’on voit,
Au soleil, droguets bleus et jupes d’écarlate
Se mouvoir dans l’enclos du cimetière étroit.

La foule se disperse. Une femme, une veuve,
Avec ses quatre enfans, marche, le front baissé,
Vers un coin du vieux mur où brille une croix neuve
Sur une fosse où l’herbe a déjà repoussé.