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de l’Arménie et des rives de l’Euphrate, pays de l’antique population des Nabathéens. Nous ajouterons, avec un agronome très compétent, M. le comte Odart, qu’à ce double point de vue nous n’aurions jusqu’à ce jour rien à tirer du Nouveau-Monde, où l’on recueille le scupernong à grosses grappes dépourvu de parfum, le raisin Isabelle à odeur de cassis, l’York’s madeira d’une saveur étrange, et le katawba offrant des caractères analogues, etc. Tout nous porte à espérer que les expériences comparatives sur la valeur des divers cépages au point de vue de la viticulture française ou coloniale pourront être suivies avec un succès croissant par la Société d’agriculture dans les principaux centres qu’elle a choisis.


III. — LA CULTURE DE LA TREILLE.

Les principaux cépages étant ainsi classés, la science en ayant défini les qualités diverses, la tâche du propriétaire commence.

On a vu par quelles transformations successives, à l’aide des semis d’une seule espèce de la vigne sauvage, on a pu multiplier les variétés à tel point qu’il a fallu en limiter le nombre, afin de restreindre la culture aux cépages qui donnent dans chaque tribu distincte les meilleurs produits, sauf à rechercher encore par les mêmes voies de nouvelles variétés aussi heureusement douées, bien que différentes par la saveur ou l’arôme spécial de leurs fruits, et tout en supprimant les variétés moins bonnes qui peuvent se développer en même temps. Cette méthode de sélection ne doit être que transitoire, car à mesure qu’une variété recommandable à plusieurs titres est obtenue, il faut la fixer, l’améliorer à l’aide d’une culture intelligente dans un sol et sous un climat convenables, la propager enfin dans les localités où se trouvent réunies ces conditions favorables. Il reste à exposer succinctement les moyens de réaliser toutes ces conditions.

Quant au climat, les vignes destinées à produire des raisins de table[1] s’accommodent mieux en général des variations de la température que les vignobles consacrés à la production des vins de bonne qualité et susceptibles d’une assez longue conservation. Pour ceux-ci, il ne faut pas seulement, d’après les observations de Humboldt, que les automnes et les étés soient habituellement assez chauds ; il faut encore qu’après les phénomènes de la fructification,

  1. Les raisins de table donnent lieu à un commerce intérieur qui chaque année, grâce aux chemins de fer, acquiert plus d’importance, et permet aux viticulteurs de nos départemens du midi d’envoyer au centre et au nord de la France les fruits de leur récolte en devançant ainsi l’époque de la maturité des raisins obtenus près de Paris.