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la valeur du produit de ces grandes industries rurales dépend non-seulement des principes sucrés, sapides et aromatiques contenus dans la pulpe juteuse, mais encore de ceux que renferment des tissus plus résistans sous l’enveloppe, dans les pépins et parfois jusque dans la rafle. Or l’influence exercée par ces principes en quelque sorte latens ne peut se faire pleinement sentir qu’après un laps de temps considérable qu’exige l’accomplissement graduel des fermentations, actives d’abord, puis lentement prolongées jusqu’au terme où le développement complet de l’alcool et des produits doués de saveur et d’arômes complexes forme le bouquet particulier à chaque sorte de vin et aux excellentes eaux-de-vie de Cognac préparées dans les Charentes. Ce n’est qu’au bout de plusieurs années que des résultats définitifs peuvent être acquis, et permettent d’apprécier la valeur de la variété de vigne qui les a fournis. La difficulté de cette appréciation semble bien plus grande encore lorsqu’on sait à quel point la qualité des raisins de table, de ceux aussi qui sont destinés à la fabrication du vin et des eaux-de-vie fines, peut varier suivant la nature des terrains, les climats, les saisons et les soins donnés aux vignes.


II. — CLASSIFICATION DES RAISINS DE TABLE.

Un des premiers besoins de la viticulture, c’est une direction scientifique donnée à ses efforts ; il lui importe essentiellement par exemple de voir les produits qu’elle peut obtenir soumis à une classification méthodique. Arrêter une bonne nomenclature des cépages, telle est la tâche que la science s’est appliquée depuis longtemps à remplir. Il y a là une question d’un haut intérêt pour les propriétaires et les cultivateurs de toutes les contrées où la végétation de la vigne est profitable, de celles même où la culture forcée dans les serres serait seule permise. Depuis les temps anciens, on a compris la haute utilité de ces données pratiques, et un grand nombre d’auteurs se sont efforcés de les réunir. Malheureusement des moyens suffisans ont fait défaut à tous, tandis qu’un concours fortuit et tout récent de circonstances favorables nous promet dans un avenir prochain une solution définitive.

Sans remonter aux écrits du temps des Nabathéens[1], des Arabes, des Grecs et des Romains, qui ont traité la plupart des questions

  1. M. le comte Odart, dans la deuxième édition de son Traité d’Ampélographie, cite l’ouvrage de Kutsami, écrit en chaldéen et très estimé des Arabes au temps de leur splendeur.