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étrange et même d’incompréhensible à nos esprits prosaïques et réfléchis dans leur manière de dire et de faire rentre dans les phénomènes de l’inspiration religieuse se manifestant au sein d’un peuple encore primitif. Elle est alors une prise de possession subite et irrésistible du sujet par l’idée ou le sentiment qui s’empare de lui. Bien d’autres faits du même genre peuvent être recueillis dans l’histoire. La sincérité de leur zèle fait que, généralement très attachés à la loi de Moïse, les prophètes en aiment l’esprit plus encore que la lettre, et deviennent par là les hommes de l’avenir, les annonciateurs et les précurseurs de l’Évangile. Les prédictions que l’ancienne théologie voyait réalisées dans l’histoire du Christ et de l’église s’expliquent bien plus naturellement par des faits contemporains ou très rapprochés des prophètes eux-mêmes : ce qui ne les empêche pas d’être les organes de cette merveilleuse espérance messianique sur laquelle s’est greffé le christianisme, dont on peut discerner les rudimens et suivre les formes variées le long de leurs écrits.

Nous devons enfin parler de M. Scholten, sans contredit l’homme le plus remarquable de la théologie hollandaise actuelle. Ses ouvrages, déjà nombreux, témoignent d’un vaste savoir, organisé par un esprit rompu à tous les exercices de la philosophie moderne. Le principal, celui qui a fondé sa réputation de théologien, est intitulé : De la Doctrine de l’Église réformée et de ses Principes fondamentaux. Il faut citer aussi une remarquable Histoire comparée de la Philosophie et de la Religion, dans laquelle les connaisseurs admirent l’exposition et la critique des systèmes de Platon, d’Aristote, de Spinoza et de Hegel. Nous tâcherons de donner un rapide aperçu de son riche et puissant système.

La méthode du professeur de Leyde est la spéculation fondée sur l’expérience. Il veut que le philosophe et le théologien commencent par constater les faits de la réalité immédiate ; mais ce serait n’arriver à rien de positif que de se borner à la seule observation. La tâche et l’ambition légitime du penseur consistent à en déduire des lois et des vérités pour en former un système logique et concordant. Ce n’est pas au nom d’une autorité religieuse dictant à priori les croyances, et ne laissant à la pensée d’autre travail que celui de l’interprétation grammaticale, qu’il faut parler en saine théologie. Là comme partout ailleurs, il faut observer les faits avant de rien formuler. Ceci posé, la religion se présente aux regards de l’observateur comme un fait naturel, comme une tendance spontanée de la nature humaine, qui se rattache, avec conscience de ce qu’elle fait, à l’Être absolu, dont, avant même que le raisonnement intervienne, cette tendance implique l’existence ; s’il n’y avait pas de Dieu, il