Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 27.djvu/939

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

archevêque, leurs deux évêques, leur séminaire et vingt-cinq paroisses, le nombre de leurs adhérens n’atteint pas six mille. Excommuniés solennellement toutes les fois qu’ils élisent un nouvel archevêque ou qu’un nouveau pontife monte sur le siège de Rome, ils n’en persistent pas moins dans la conviction qu’ils sont dans les Pays-Bas la véritable église catholique. Du reste, ce clergé, que ses vertus et ce qu’on peut appeler ses malheurs rendent profondément respectable, montre une grande largeur de vues, et dans sa piété austère, peu attirée par les formes récentes de la dévotion ultramontaine, on retrouve encore cette saveur particulière du jansénisme, qui motiverait, plus peut-être que des dogmes spéciaux, le surnom que le peuple lui a donné. Comme nos vieux jansénistes, les partisans de la vieille église recommandent beaucoup la lecture de la Bible, dont ils ont une version à leur usage. Ils ont vivement protesté contre la proclamation de l’immaculée conception, laquelle paraît au contraire avoir été acceptée sans aucune résistance par les catholiques hollandais en communion avec le saint-siège. Quelque chose de triste et de touchant s’attache à ces derniers vétérans d’une grande cause perdue.

L’église réformée proprement dite compte en Hollande près de dix-neuf cent mille âmes. Le protestantisme couvait depuis longtemps dans les populations néerlandaises, lorsque les événemens du XVIe siècle l’appelèrent au grand jour et au triomphe. Pendant tout le XVe siècle, les sociétés des Frères de la Vie commune tendirent, conformément à l’esprit mystique de leur fondateur, Gérard Groot, et de son ami Radewyn, à diminuer l’importance des cérémonies extérieures et des œuvres de dévotion, en relevant d’autant celle de la piété intérieure.[1]. L’influence de Tomas A-Kempis dirigea les esprits dans une voie analogue. Un autre théologien mystique du XVe siècle, Jean Wessel Gansfort, de Groningue, alla plus loin encore, et Luther s’étonna plus tard de retrouver ses propres principes dans les écrits du docteur groninguois, qui mourut en 1489. C’est pourquoi, lorsqu’au XVIe siècle la révolution religieuse fit le tour de l’Europe, elle rencontra dans les Pays-Bas un terrain préparé de longue date. D’ailleurs Érasme et la renaissance étaient venus dans l’intervalle achever l’œuvre des mystiques. Au commencement, les tendances diverses entre lesquelles se partageaient les premiers protestons se disputèrent les provinces néerlandaises. Luthériens, zwingliens,

  1. Le savant M. Delprat, descendant de réfugiés français, ancien pasteur à Rotterdam, a publié en 1830 et réédité en 1856 un travail approfondi et très estimé sur l’histoire de ces sociétés, dont l’action peu visible se fit sentir néanmoins sur tout le nord de l’Allemagne. Une traduction allemande, due au professeur Mohnike, a paru à Leipzig en 1840.