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estime particulière, c’est qu’il n’a rien à nous envier en fait d’égalité. Nous ne voulons montrer ici qu’un des aspects de cette féconde activité morale ; notre but serait d’exposer la marche historique et l’état actuel de la science religieuse en Hollande. On sait combien, dans la plupart des pays de l’Europe, même en ceux où la liberté politique est très développée, la science religieuse rencontre encore de préjugés créés par la routine et entretenus par la peur. Il peut donc y avoir quelque intérêt à savoir ce qu’elle devient dans les pays où elle n’a guère à lutter que contre les difficultés qui tiennent à la nature même de l’esprit humain. Après avoir montré les diverses églises dans leur développement historique, nous aurons à les examiner en présence des questions qui entretiennent aujourd’hui les débats théologiques en « Hollande.


I

Les deux tiers environ de la population hollandaise professent la religion protestante, et la très grande majorité des protestans hollandais appartient à l’église réformée, c’est-à-dire à cette branche du protestantisme qui reçut au XVIe siècle la profonde empreinte du génie de Calvin. En dehors de toute opinion religieuse particulière, on peut penser que ce fut un grand malheur pour l’église catholique aux Pays-Bas d’avoir identifié sa cause avec celle de l’épouvantable tyrannie espagnole pendant les quatre-vingts ans de lutte acharnée d’où sortit enfin la liberté néerlandaise. On doit dire, à l’honneur de la Hollande, que, parmi les nations de l’Europe, elle fut des premières à mettre en pratique ces principes de tolérance qui, au XVIe siècle, restèrent confinés chez quelques esprits d’élite, et méconnus par la plupart de ceux-là mêmes qui auraient dû les puiser dans leurs convictions religieuses. M. E. Quinet a bien résumé, dans son étude sur Marnix de Sainte-Aldegonde[1], la voie suivie alors par un pouvoir républicain désireux de concilier l’indépendance nationale et la liberté de conscience, mais décidé à consolider avant tout la première. « Les états, dit-il, maintinrent le catholicisme dans la dépendance et presque dans l’opprobre, tant qu’il fut à redouter ; ils lui rendirent avec éclat une demi-liberté dès qu’ils le jugèrent impuissant. » Aujourd’hui il n’y a plus de religion d’état, toute trace d’inégalité légale a disparu entre les divers cultes, et les catholiques néerlandais en font naturellement profiter leur église. Leur importance politique s’est accrue par l’adjonction au royaume des Pays-Bas de quelques provinces du sud qui ne faisaient pas partie

  1. Voyez la Revue du 1er, 15 mai et 15 juin 1854.