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DE
LA LITTERATURE
DES VOYAGES

UN ARTISTE FRANCAIS EN AFRIQUE.

I. Un Été dans le Sahara. — II. Une Année dans le Sahel, par M. Eugène Fromentin.

Il est vraiment fort curieux que les Français soient en même temps le plus aventureux et le plus casanier des peuples. Personnage téméraire, imprudent et toujours prêt à se porter à toutes les extrémités, le Français est régi cependant d’une façon souveraine et tyrannique par l’habitude. Rien ne l’épouvante et ne lui fait peur en théorie ; mais dans la pratique tout l’étonne, le blesse ou le scandalise. Le Français ressemble toujours plus ou moins à cet étudiant dont parle Luther, qui partit un matin de son village pour parcourir la terre, et qui, après avoir fait deux lieues, revint en disant : « Le monde est trop vaste. » Aussi n’aime-t-il pas à voyager et ne sait-il guère voyager. Il visite les peuples étrangers sans curiosité intellectuelle, sans profit pour lui-même ni pour les autres. Ses qualités non moins que ses défauts contribuent à étouffer chez lui l’amour des voyages, et d’abord son extrême sociabilité, qu’intimident et découragent les inévitables épreuves de la vie de voyageur. Il parcourra volontiers le monde en compagnie de ses compatriotes, c’est-à-dire à la condition qu’il emportera sa patrie avec lui, qu’il aura