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occidentale du détroit se trouve l’île Beechey, où Franklin passa l’hiver de 1845-1846, et dans laquelle on a établi depuis ce temps un dépôt de vivres et de munitions pour fournir quelque secours aux bâtimens engagés à sa recherche. Le Fox y trouva à compléter sa provision de charbon. Il avait aussi à remplir en cet endroit un pieux devoir : lady Franklin avait chargé en 1855 le capitaine américain Hartstein d’élever à son époux un monument funèbre dans cette île Beechey, dernière étape alors connue de son voyage. Ce marin, empêché par les circonstances de dépasser le Groenland, avait déposé à Godhaab ce monument, consistant en une large tablette de marbre, et Mac-Clintock l’y avait repris pour le transporter à sa destination. Sur l’un des côtés d’une enceinte qui entourait un cénotaphe et que surmontait le pavillon britannique, on dressa cette tablette, où était gravée l’inscription suivante : « A la mémoire de Franklin, de Crozier, de Fitzjames, de tous leurs généreux frères les officiers et de leurs fidèles compagnons qui ont souffert et qui sont morts pour la cause de la science et au service de leur patrie. Cette tablette est élevée près du lieu où ils ont passé leur premier hiver arctique, et d’où ils sont partis pour surmonter les obstacles ou périr ; elle commémore la douleur et l’admiration de leurs compatriotes et amis, ainsi que les angoisses, adoucies par la foi, de celle qui, dans le chef héroïque de l’expédition, a perdu le plus dévoué et le plus cher des époux. — Et c’est ainsi qu’il les a emmenés dans le ciel, où ils voulaient être ! » A côté, sur une plaque en marbre, fut inscrit le nom du jeune Français qui, lui aussi, mourut dans ces tristes régions, au service de la science et à la recherche de Franklin, le lieutenant Bellot.

Le détroit de Barrow était libre de glaces ; mais l’entrée du Peel, qui vient y déboucher, se trouvait au contraire complètement obstruée. Le Fox, que son itinéraire devait désormais mener du nord au sud, fit alors un retour en arrière, longea par sa côte orientale la grande terre de North-Sommerset, et s’engagea dans la passe du Prince-Régent. Trois îles considérables et une presqu’île, qui s’étendent dans cette région du 74e au 68e parallèle environ, allaient être le théâtre successif de ses investigations. La première est North-Sommerset, séparée par le détroit de Bellot de Boothia-Felix. On appelle Boothia-Felix une vaste presqu’île de forme à peu près elliptique, pointe extrême que projette dans l’Océan arctique le continent américain, auquel elle se rattache par un isthme très étroit. Au sud-ouest de North-Sommerset s’étend la grande île du Prince-de-Galles, et de même au sud-ouest de Boothia-Felix est située celle du Roi-Guillaume. C’est à peu près vis-à-vis la pointe la plus méridionale de celle-ci que débouche dans la Mer-Glaciale la rivière