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griffes, scies longues de dix-huit pieds, tentes d’hivernage, vêtemens fourrés, puis les instrumens hydrographiques, les cartes, les chronomètres. La chambre de commerce, la Société royale, le Royal Harwich Yacht Club, rivalisèrent dans l’envoi des dons et des souscriptions. Le 30 juin, lady Franklin, accompagnée de sa nièce, miss Sophie, et du capitaine Maguire, vint visiter le bâtiment, et le Fox prit le large, après que son équipage eut acclamé d’un triple hourrah la noble veuve qui venait l’encourager et saluer son départ.

Le navire franchit le dangereux détroit de Pentland-Firth, passa sous la côte sauvage et sombre des Orcades, et douze jours après il signalait la pointe la plus méridionale du Groenland, ce cap Farewell, dont le nom rappelle aux navigateurs qui vont de l’est à l’ouest qu’il leur faut dire au monde et à la vie civilisée un long adieu. De janvier en juillet, cette côte est enveloppée d’une ceinture de glaces détachées du Spitzberg par un courant qui, contournant le cap, les précipite par le détroit de Davis jusque dans la mer de Baffin. Elles forment un blocus autour des ports du Groenland méridional, mais elles leur portent en compensation des phoques, des ours blancs, et de grands bois charriés dans l’Océan polaire par les fleuves de la Sibérie. Cette ligne de glaces flottantes fut franchie, non sans difficultés, pour conduire à la côte et faire rapatrier un matelot gravement malade, puis le Fox toucha successivement au petit port de Frederickshaab, à la baie de Fiskernaes et à l’établissement de Godhaab ; il passa devant Holsteinborg, où les glaces ne devaient pas tarder à le ramener, et s’arrêta encore à Disco et à Upernavick. Les paysages de ces régions septentrionales dépouillent parfois leur aspect habituel de désolation ; la brume épaisse qui les enveloppait se déchire et laissé voir dans le bleu profond du ciel des horizons pleins de majesté. Durant les mois de l’été où les lueurs du crépuscule traversent le milieu de la nuit, il y a des soirées d’une douceur et d’une sérénité délicieuses, éclairées par un soleil couchant qui produit au milieu des aiguilles de glace, des masses de granit et des sommets chargés de neige, de merveilleux effets. Cette île de Disco, située sous le 70e parallèle, et Upernavick, 2 degrés 1/2 plus au nord, dernières stations des bâtimens qui vont affronter les tempêtes du pôle, refuges des équipages baleiniers qui ont vu leurs navires broyés par les glaces, offrent encore des scènes gracieuses et de rians aspects. La côte méridionale de Disco descend vers la baie en étages de roches granitiques semées de campanules bleues et chargées d’une végétation étonnante pour cette latitude. Les lièvres, les eiders, quelques autres oiseaux de ces climats, abondent sur les pentes de ces montagnes. Upernavick est le plus septentrional des établissemens de la civilisation ; la fondation de ce comptoir