Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 27.djvu/853

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

être régulièrement praticable, et qu’après en avoir constaté l’existence pour la satisfaction de notre curiosité, il a fallu rendre à sa solitude cette région glacée. Ce résultat n’était point encore acquis lorsque Franklin, familiarisé avec les navigations polaires par trois expéditions antérieures, prit le commandement des navires Erebus et Terror, et quitta la Tamise en mai 1845. Il se proposait de rechercher le passage, de faire des études d’histoire naturelle et des observations sur le magnétisme terrestre. On sait qu’un profond silence ne tarda pas à envelopper la destinée du marin et de ses vaisseaux. Une première fois on eut de ses nouvelles : il faisait savoir qu’ après avoir touché aux Orcades, il avait jeté l’ancre devant l’île Disco, établissement danois situé à la côte ouest du Groenland ; ce fut le dernier signe de vie donné par Franklin. Des baleiniers le virent encore, tout en haut du détroit de Baffin, dans la baie Melville ; puis on n’entendit plus parler de lui. Quand deux années se furent écoulées sans nouvelles, l’inquiétude devint des plus vives, et alors s’ouvrit cette série d’expéditions où l’Angleterre et les États-Unis ont rivalisé de zèle, où l’on a vu lady Franklin aider les recherches et entretenir l’émulation par son dévouement et sa pieuse persévérance. Le littoral de l’Amérique fut visité du détroit de Behring à la rivière Mackenzie, puis de la Mackenzie à la rivière Mine-de-Cuivre. On explora attentivement le détroit de Lancastre, qui mène de la haie de Baffin aux archipels de l’Océan arctique ; mais les Esquimaux n’avaient pas vu d’hommes blancs, et l’on ne put trouver aucun indice du passage de l’expédition. L’amirauté proposa une triple récompense : 20,000 livres aux marins, de quelque nation qu’ils fussent, qui parviendraient à découvrir et à secourir les équipages d’Erebus et Terror, et deux prix de 10,000 livres à ceux qui retrouveraient une partie de ces équipages, ou qui obtiendraient quelques renseignemens sur leur sort. Enfin en 1850 les capitaines Ommaney et Penny, de l’Assistance et du Lady Franklin, saisirent une première trace : dans la petite île Beechey, entre les détroits de Lancastre et de Barrow et au sud du canal Wellington, ils trouvèrent un poteau ayant servi de point de repère, des débris de vêtemens, des caisses à provisions vides, et les tombes de trois hommes, avec des inscriptions attestant par leurs dates que Franklin avait hiverné dans cette île au moins jusqu’en avril 1846.

Quatre années s’écoulèrent encore sans autres nouvelles ; mais en 1854 le docteur Rae, chargé d’une mission géographique par la compagnie de la baie d’Hudson, recueillit d’une tribu d’Esquimaux de précieuses informations : il apprit que quatre années auparavant, c’est-à-dire vers le printemps de 1850, une quarantaine d’hommes blancs avaient été vus traînant un bateau sur la glace, près du rivage