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fils de la Géorgie qui résistèrent aux plus terribles envahisseurs, aux Arabes, aux Turcs Seldjoukides et aux Mongols, qui formèrent l’élite des armées des schahs de Perse, sont devenus les utiles auxiliaires des tsars. Ils ont été réunis en un corps dont le nom, grouzinskaïa droujina, c’est-à-dire compagnie géorgienne, rappelle celui de la garde particulière et des compagnons d’armes des anciens grands-ducs issus de Rurik et l’antique gloire militaire de la Russie.

Les montagnards musulmans du Daghestan ont fourni deux régimens de cavalerie dont les services sont fréquemment mentionnés. Seulement, en passant sous une nouvelle domination, ils n’ont point changé d’habitudes ; ils sont restés ce qu’ils étaient jadis, des pillards décidés, tout en prenant, dans leur contact avec une civilisation supérieure, des vices qu’ils ne connaissaient pas auparavant. Une foule de tribus plus ou moins considérables, et qui donneraient lieu à une longue nomenclature, ont été pareillement enrégimentées. Sans crainte d’être taxé d’exagération, on peut affirmer que le flanc gauche du Caucase est en ce moment rangé tout entier sous le drapeau russe. L’organisation de ces milices, infanterie et cavalerie, est à peu près la même que celle des Cosaques ; elles sont divisées en sotnias ou bataillons commandés par des indigènes poulies grades inférieurs, par des officiers russes pour les grades élevés. Elles ne reçoivent de solde que lorsqu’elles sont convoquées pour entrer en campagne. Le mode ordinaire de recrutement est l’enrôlement volontaire.

Au nombre des moyens employés pour hâter cette assimilation des nationalités incorporées à la race dominante se trouve d’abord l’étude de la langue russe, imposée comme condition préalable d’aptitude à tous les emplois militaires ou civils. Le premier soin du gouvernement est de fonder partout des écoles, et de répandre ainsi la connaissance des idées et le goût de la civilisation dont cette langue est l’expression. Chez les populations chrétiennes du Caucase, la religion rend ce rapprochement encore plus facile. Dans ces contrées comme en Russie, le christianisme est de provenance byzantine ; les monumens religieux dont les ruines sont encore debout sur les pentes ou dans les gorges du Caucase attestent les efforts des empereurs de Constantinople, depuis Justinien au VIe siècle, pour y faire pénétrer la foi de l’Évangile, et combien elle y fut florissante. La Géorgie n’a jamais cessé d’être en rapports intimes avec l’église grecque, et l’Arménie, séparée depuis le Ve siècle, ne s’en écarte que sur des points peu nombreux, obscurcis plutôt par des préjugés nationaux que par des divergences dogmatiques.

Les mariages mixtes sont aussi une des causes qui concourent à cette fusion ; il existe nombre de familles où les pères voient déjà prête à leur succéder une jeune génération, ignorante ou dédaigneuse